22 mars 2023
Sempé, carnets de Bord.
C’est rare de voir prendre forme une idée … avec si peu de moyens et surtout chez un artiste de la profondeur débonnaire de Jean-Jacques Sempé (1932 – 2022).
Ce recueil d'esquisses pratiquement sans légendes me donne l’impression d’une pénétration furtive et non souhaitée dans une œuvre toute pétrie d’intime …
Mes enfants savent combien j’admire cet artiste. Je ne sais plus qui m’a offert ce très bel album à Noël … Je m’y replonge de temps en temps pour, à chaque visite, entrevoir comme on regarde à travers le trou d’une serrure, surprendre une conversation, un moment d’accablement, un défi devant un miroir.
Avant de foisonner dans une masse de détails d’une finesse extrême, l’artiste jette sur le papier une silhouette furtive, une attitude immédiatement compréhensible par le spectateur-voyeur, aux traits encore irréguliers, parfois avec un début de légende vachard …
On y retrouve les thèmes classiques : la solitude devant l’infini du monde, la ville écrasante, l’enfermement dans ses fantasmes, les carences du dialogue … mais aussi l’appel de la nature, le plaisir de la musique …
Le trait n’est qu’épure … La biographie de Sempé nous en livre quelques secrets : son enfance difficile auprès d'une mère faisant sans cesse reproche à son père du fait qu’il ne trouvait pas de travail autre que le misérable boulot qu’il avait.
On le remarque dans la cruauté de ses dessins de femmes. Une enfance de rigueur où l’école est un refuge. Il commence à dessiner vers 12 ans, quitte l’école à 14 …
Ce recueil de dessins inaboutis contient en germe tout l’art de Sempé.
Il est précédé d’une courte préface de Patrick Modiano. Fourmillement d’idées, élagage de toute notation superflue, humilité même lorsqu’il atteint la notoriété internationale en créant les couvertures du New Yorker.
Fulgurance de la pensée, précision du mouvement, joie de l’amitié découverte à Paris avec René Goscinny …
On connaît la suite : on ne cessera plus de la célébrer avec les aventures du petit Nicolas. Des souvenirs de l’enfant Jean-Jacques qu’il n’aura jamais cessé d’être et qu’il nous permet de partager.
Sempé, carnets de bord, aux édition « Les cahiers dessinés », grand format, 238 p., 35€
21 mars 2023
Qui cherche encore midi à quatorze heures ...
Mais que signifie la notion de cherche-midi ?
L'ancienne façade du n°19 de la rue du 6ème arrondissement qui porte ce curieux nom datait de 1675.
Elle a été remplacée par un bas-relief identique en 1874 pour illustrer la célèbre expression “chercher midi à quatorze heures”. On y voit un astronome qui mesure les degrés d'un cadran solaire, porté par un chérubin, à l'aide de son compas.
L’explication de cette expression est : compliquer inutilement une chose très simple ; chercher un problème là où il n'y en a aucun ; chercher quelque chose à sa mauvaise place.
L'expression date du XVIIe siècle, mais on a utilisé auparavant "chercher midi à onze heures" et "chercher midi si loin".
Si l'utilisation de midi est compréhensible par sa position très repérable en milieu de journée, il n'y a pas d'explication satisfaisante pour justifier le quatorze, ou le onze auparavant.
Cette jolie rue qui fut jadis une voie romaine a porté autrefois d’autres noms : rue de la Vieille-Tuilerie, rue des Vieilles-Tuileries, Rue du Petit-Vaugirard.
Elle prend aujourd’hui sa source au pied du Centaure de César (1983), carrefour de la Croix-Rouge, à l'angle de la rue de Sèvres, coupe le boulevard Raspail et le boulevard Montparnasse, avant de disparaître rue Vaugirard, au niveau de la station de métro Falguière.
J’avais une amie qui habitait dans l’un des immeubles qui fut naguère une caserne de Mousquetaires … et j’ai en mémoire aussi l’emplacement de la prison où fut emprisonné le capitaine Dreyfus et dont le terrain est aujourd’hui occupé par la Fondation Maison des Sciences de l'Homme créée en 1960 et qui est situé à l'angle du boulevard Raspail.
C’est une des plus jolies rues de mon quartier. Mais j'ignore encore pourquoi on a donné ce nom étrange à cette voie parisienne. Etait-ce en référence à une ancienne boutique dont on a aujourd'hui oublié le souvenir comme l'activité ?
Si quelqu'un peut me le dire, j'en serai très contente !
20 mars 2023
La guerre d'indépendance américaine, par Pascal Cyr et Sophie Muffat
Combats après combats, escarmouches meurtrières après affrontements sanglants, cet ouvrage décrit de façon détaillée les événements qui ont conduit à l’indépendance des 13 colonies américaines face à la couronne britannique entre 1775 et 1782.
A l’origine, la nécessité pour l’Angleterre de renflouer ses finances après la guerre de Sept ans en taxant ses colonies du Nouveau Monde.
D’une révolte fiscale des marchands américains (The Boston Tea Party) et de l’intransigeance du gouvernement britannique refusant quelque représentation des provinces au Parlement que ce soit, est né un conflit a priori déséquilibré entre une armée de bric et de broc et des troupes disciplinées et professionnelles.
C'est une guerre coloniale qui, au final, voit des volontaires américains mal armés, mal vêtus, sans expérience des combats, dépourvus de chefs expérimentés et crevant de faim mais armés de matériel supérieur par la France (à la fin) réussir à bouter les troupes coloniales anglaises hors des Etats Unis.
Avant d’aborder le livre, je recommande de noter sur deux colonnes les noms des chefs des deux partis sous peine de ne plus s’y retrouver …les auteurs n'hésitent pas en effet à mentionner les noms de tous les officiers et à préciser les pertes concluant chaque combat !
L'ouvrage comporte plusieurs cartes, mais suivre la chronologie des événemants est parfois difficile.
Car les problèmes sont identiques pour les deux armées : le manque de numéraire, l’absence de professionnalisme des milices recrutées sur place et qui le plus souvent prennent la fuite au premier revers, la relative carence stratégique de George Washington compensée par son charisme et sa volonté de conserver les colonies unies, les changements de camp de certains chefs, les difficultés de communication et de renseignement, l’utilisation des Amérindiens et des esclaves des plantations complètement squizzés à la fin du conflit ... La Déclaration des Droits ne concerne ni les femmes ni les non-blancs ...
C'est aussi une ambiance lourde parmi les populations car il s'agit d'une guerre civile, qui ravage leur territoire : Patriotes contre Loyalistes ...
J’ai découvert la longue hésitation de la cour de France avant l’entrée en guerre tardive contre la Grande-Bretagne, le rôle décisif de la flotte de l’amiral de Grasse – et du jeune marquis de La Fayette - lors de la dernière bataille de Yorktown, les actions diplomatiques de Benjamin Franklin et l’activité contrebandière de Beaumarchais.
Cet ouvrage remet bien des légendes à leur juste place et montre à quel point une troupe disparate mais motivée et combattant sur ses terres, mal armée et dont les difficultés logistiques sont énormes peut venir à bout d’une armée professionnelle mais en grande partie composée de troupes mercenaires (les "Hessois"). L’importance de disposer d’un armement technologiquement supérieur et de sources fiables de renseignement aussi …
L’apport de la France dans ce conflit au côté des Insurgents fut déterminant. Mais le coût de cet appui fut mortel pour la couronne de France, alors que les résultats des traités de paix signés à Paris et à Versailles en septembre 1783 furent dérisoires.
N.B. Je viens de visionner à nouveau (sur Netflix) le film de Roland Emmerich The Patriot, le chemin de la liberté (2000) avec Mel Gibson, très inspiré de cette période. Les auteurs du livre en soulignent les erreurs vis à vis de la vérité mais la reconstitution pleine d'émotion reste très intéressante. Les scènes de batailles montrent avec beaucoup de réalisme les conditions dans lesquelles tombaient les soldats des deux côtés.
La guerre d’indépendance américaine, par Pascal Cyr et Sophie Muffat, édité chez Passés/Composés, 512 p., 25€
19 mars 2023
Disparition prématurée : Lance Reddick
Il venait tout juste d'atteindre la soixantaine et on imaginait mal qu'il puisse disparaître aussi tôt, avec sa sihouette longiligne et son sourire dévastateur.
Lance Reddick est un acteur que j'appréciais particulièrement, à la filmographie très riche et un héros souvent rencontré dans les séries américaines auxquelles je suis attachée : The Wire (Cédric Daniels), New York : police judiciaire et New York : unité spéciale, Harry Bosch (chef irving Irving), Les Experts : Miami (agent spécial David Park).
On le verra encore dans plusieurs films pas encore sur les écrans, et bien entendu, dans ces épisonnes maintes et maintes fois rediffusés à la télévision ... Mais c'est vraiment une triste nouvelle.
18 mars 2023
L'oeil du minotaure, BD d'après Jacques Martin (tome 40)
Cette aventure d’Alix et Enak se situe aux alentours de l’année 45 avant Jésus Christ et son principal personnage est Brutus, le protégé de César.
Un esprit particulièrement complexe, cet homme : il est le fils de Servilia, maîtresse officielle de César. Certains même prétendent que Brutus serait issu de cette ancienne liaison, tolérée par Calpurnia, l’épouse de César.
Lors de la guerre civile qui a opposé César à Pompée, Brutus avait choisi le parti de Pompée, mais César le lui a pardonné … il le considère un peu comme son fils.
Servilia se plaint d’être empoisonnée par un bijou maléfique que lui a offert jadis César, une perle noire qui émettrait des effluves mortifères …
Brutus s’en plaint à César et veut monter une expédition pour retrouver le marchand qui lui a vendu l’objet. Celui-ci lui demande la plus grande discrétion et lui adjoint Alix et Enak pour retrouver la trace du vendeur qui ne serait autre que le sinistre Arbacès.…
Une traque qui mène le trio en Crète, dans un temple submergé après le cataclysme volcanique de Théra – serait-ce le mythe de l’Atlantide ? – à travers les ruines du labyrinthe de Knossos, avec des combats contre des animaux géants à la manière d’Indiana Jones …
Une fois accomplie, la mission de Brutus et de nos deux héros les ramène à Rome.
Un épisode aux décors particulièrement soignés, aux personnages très délicatement brossés, qui se termine par l’appel à une nouvelle aventure.
Rien de plus classique et une nouvelle occasion de réviser l’histoire des dernières années de la République romaine. Comme chacun sait, Brutus comptera parmi les conjurés qui assassineront César sur les marches du Sénat quelques mois plus tard.
L’œil du Minotaure, BD de Valérie Mangin (scénario) et Chris Millien (dessin et couleurs) d’après l’œuvre de Jacques Martin, éditions Casterman. 48 p., 12,50€
17 mars 2023
Qui a inventé le petit-suisse ?
Parmi les innombrables questions saugrenues qui me taraudent, c’est celle-là !
Dans les rayons de la boutique où je me sustente, j’ai remarqué que cette spécialité laitière est disposée relativement haut, et donc peu accessible … supplantée par des préparations plus sophistiquées et plus nobles, donc à portée de main.
Un nom de marque, aujourd’hui disparue des rayons, me revient en mémoire : Charles Gervais. Fut-il l’inventeur de ce délice de mon enfance ? Etait-il originaire de la Confédération ? Eh bien deux fois non.
Le petit-suisse est un petit (60g) fromage frais de vache normand, non salé, qui titre entre 40 et 60% de matière grasse.
Ma mère s’en servait essentiellement pour, une fois salé et assaisonné de fines herbes, en fourrer le ventre des pintades avant de les glisser au four.
A l’origine, il y a un fromager de Gournay-en-Bray nommé Etienne Pommel qui vendait vers 1828 des petits fromages cylindriques entourés d’un papier paraffiné, placés dans une petite caissette en bois.
Quelques années plus tard, à la ferme de Madame Hérould dans l’Oise, un employé de nationalité suisse eut l’idée d’enrichir ce type de fromage avec de la crème. Ces fromages étaient envoyés chaque jour à Paris.
Devant leur succès auprès de la clientèle, un commis du mandataire parisien, Charles Gervais (1826 - 1893), s’associa à Madame Hérould et reprit la fromagerie. Il développa la première usine Gervais à Ferrières en Bray, développement grandement facilité par le chemin de fer. Et c'était un as de la publicité, jouant sur une prétendue origine suisse …
La marque a été absorbée par le Groupe Danone, on ne la retrouve plus dans les rayons aujourd'hui ...
N.B. : par dérogation expresse dans le traité de 1974 entre la Suisse et la France sur la protection des indications de provenance et appellations d’origine, l’utilisation en France de la dénomination de « petit-suisse » est autorisée, mais elle est interdite en Suisse …
16 mars 2023
Les noyés des bords de Marne, polar historique de Philippe Grandcoing
21 mai 1911 : Hyppolyte Salvignac assiste au départ de la course aéronautique Paris-Madrid quand l’avion de Louis-Emile Train s’écrase sur les officiels, tuant le ministre de la Guerre Maurice Bertaux.
Une mort qui tombe mal pour Georges Clémenceau, qui n’est plus « que » sénateur mais voit d’un très mauvais oeil l’arrivée inéluctable au pouvoir de son adversaire politique Joseph Caillaux.
Hyppolite fait toujours équipe avec son ami l’inspecteur Jules Lerouet. Il a les coudées plus franches depuis que son père l’a mis en possession de l’hôtel particulier du Marais qu’il occupe avec sa compagne artiste peintre Léopoldine et qu’il a confié la gérance de son magasin d’antiquités à un excellent vendeur.
Un très jeune homme à l'allure étrange vient proposer à la boutique l'achat d'un reliquaire byzantin du XIIIème siècle à un prix particulièrement élevé ….
Quelques jours plus tard, l’épouse d'un des confrères antiquaire d'Hyppolite, estimé sur la place de Paris, vient l’informer de la disparition inquiétante de son mari, puis, à son tour, celle de leur commis.
C’est la sixième fois qu’à la demande de Clemenceau, Hyppolite Salvignac et Jules Lerouet vont mener l’enquête. Car simultanément, on vient de retrouver plusieurs cadavres, dont l’un décapité, immergés dans la Marne.
L’époque – que l’on qualifia plus tard de « Belle » - est pourtant riche de menaces au plan international : les séquelles de l'Affaire Dreyfus, la crise du Maroc, les appétits coloniaux de l’Allemagne de plus en plus pressants, les mouvements centrifuges tiraillant l’empire ottoman, le progrès technique et en particulier l’automobile, les progrès des techniques d’identification judiciaire.
Crescendo, l’intrigue complexe se déploie, et la dernière partie du roman est particulièrement tendue. Car l’inspecteur Lerouet est en situation professionnelle délicate, aux prises avec les différents départements de la police et de la sécurité nationale, tandis que le Tigre, pas encore rassasié, continue à tirer les ficelles d’un régime où l’instabilité ministérielle semble satisfaire tout le monde, alors que le péril d’une guerre mondiale se dessine.
Un roman haletant, bien calé dans son cadre historique … Hyppolite Salvignac commence à vieillir mas reste pour moi un héros courageux mais avec ses faiblesses. Dans le rôle, je le verrais volontiers incarné par Jean Dujardin … Et un Clémencecau qui laisse apparaître toute son énergie et sa détermination.
Les noyés des bords de Marne, polar historique de Philippe Grandcoing, aux éditions De Borée, collection Vents d’histoire, 310 p., 21€
15 mars 2023
Encore quelques images ...
Plongée dans la lecture d'un nouveau roman historique, je n'ai pas le temps pour rédiger ce matin ...
A moins de faire comme à la télévision et de rediffuser des vieilles séries ...
Mais rien n'est plus beau que ma ville - quand elle est propre !
14 mars 2023
Un juste regard, essai de Jean Viard
Le titre de ce livre aurait pu aussi être : Le regard d’un juste.
Jean Viard est un sociologue rural et provincial (c’est ainsi qu’il se définit) né en 1949, il appartient à cette génération qui a « fait 68 », fin analyste des comportements et de l’aménagement du territoire, des vacances et du tourisme. Il a aussi tâté de la politique et fondé la maison d’édition qui publie ses multiples ouvrages – mais pas que – et intervient régulièrement à la radio et à la télévision.
Cet ouvrage réunit les verbatim de ses interventions à la radio entre mars 2020 et février 2022, une chronique au jour le jour de la Grande Pandémie et de ce que nous en avons collectivement appris.
Pour lui, cette épreuve mondiale est la clé du prochain combat contre le réchauffement climatique et pour la révolution énergétique. Car cela rappelle que les situations d’urgence comme les guerres sont d’immenses moments d’innovation (cf. la production des vaccins).
Les constats après les confinements : le changement du rapport au travail, la fin du fordisme et de ses codes culturels, la désintoxication brutale de la société de consommation, le bouleversement des rapports humains et l’entrée dans l’ère du numérique, l’émiettement de la population facteur de la colère des Gilets jaunes, l’expression de la violence – les couples se déchirent … on estime à un million les couples qui n’ont pas résisté aux confinements.
Des statistiques : la France compte 16 millions de maisons individuelles et 12 millions d’appartements dont la moitié des habitants possèdent une maison ailleurs, 60% des Français ont un jardin, la moitié des logements de Paris sont occupés par des personnes seules. Une explication de la colère des Gilet jaunes et de leurs rassemblements sur les ronds-points. Les motifs de leur ressentiment sont toujours présents. Il nous faut sauver le futur des conséquences du passé.
Les codes sociaux ont changé après ces grandes vacances forcées : on ne se fait plus la bise, l’art de vivre a pris le pas sur l’art de produire. Mais le retour à la normalité, surtout chez les jeunes, sera très difficile, voire dangereux. Il faut s’attendre à l’inattendu. Cependant, en France et bien avant le Président Macron, on râle et on paye après.
Et nous devrons payer notre dette aux pays du Sud à la suite de l’exploitation par la colonisation et la traite, le racisme et le retour à des réflexes de repli identitaire, prendre en compte l’exigence de respect, celui des femmes par exemple.
Cependant, le concept de crise a deux faces : l’une créative et l’autre apeurée et favorable aux dictateurs. A l’échelle du monde, la démocratie n’est plus le modèle qui paraît nécessaire à tous.
Cette chronique d’un combat planétaire unique dans l’histoire de l’humanité est aussi source d’espérance. On a gagné tous ensemble contre le virus, on peut se remobiliser contre le réchauffement climatique.
Un dernier détail : le concept d’«archipel » mis en lumière par Jérôme Fourquet a été introduit par l’auteur en 1994 … Jean Viard est un prospectiviste débonnaire. J’aime bien !
Un juste regard, se souvenir pour changer le monde, recueil de chroniques publié aux éditions d el’Aube, 287 p., 25,90€
13 mars 2023
Dans la tête de Monique Olivier, série TV de Michèle Finès et Christophe Astruc
De 1987 à 2003, les crimes de Michel Fourniret en font le meurtrier le plus tristement célèbre de France. Simple pion ou complice active, Monique Olivier reste une énigme… Durant 18 ans de vie commune, elle a formé avec lui le couple responsable du meurtre et du viol d’une dizaine de jeunes filles (et encore davantage sans doute), entre 1987 et 2003, dans le nord-est de la France et en Belgique.
Michèle Finès et Christophe Astuc interrogent tour à tour, procureurs, avocats, policiers, familles de victimes, experts psychiatres et psychologues. Car Monique Olivier, condamnée dores et déjà à la peine d'incarcération la plus longue possible, reste l’unique « gardienne des secrets » depuis la mort de Michel Fourniret en 2021. Et "elle en a encore sous le pied" ... En particulier au sujet de la disparition d'Estelle Mouzin dont on voit ici le père vieillir d'année en année, et qui ignore toujours où les reste de son enfant de 9 ans ont été ensevelis.
Ménagère docile et effrayée sous emprise ou instigatrice diaboliquement manipulatrice au QI de 130, c’est elle qui a dénoncé les premiers crimes de son mari, avoué avoir pris une part décisive dans l’entreprise quasiment industrielle d’enlèvements de toutes jeunes filles, pour offrir à son comparse la jouissance de déflorer celles qu’il nommait lui-même des « membranes sur pattes ».
On touche ici à la frontière de l’humain. La mécanique du couple criminel comme on n’en avait jamais vu à ce niveau. La série mêle les interviews et les reconstitutions, les images embrumées de cette région du nord-est, l’ambiance inquiétante de série noire …
J’ai beaucoup apprécié la participation de l’avocat de Monique Olivier (le devoir de défendre l’indéfendable) et la persévérance des avocats des parties civiles, en particulier Didier Seban et Corinne Herrmann qui ont voué une partie de leur activité à la solution de cold cases et ont œuvré à la création récente d’un pôle judiciaire dédié à la recherche sur l’ensemble du territoire au-delà des barrières administratives entravant la solution de crimes non résolus.
Affaire Fourniret : dans la tête de Monique Olivier, mini-série documentaire en 5 épisodes réalisée par Michèle Finès et Christophe Astuc, en exclusivité sur NETFLIX (2023).