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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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10 février 2008

Affaire terminée, j'arrive ! - Chapitre 4

Chapitre 4 – Jasmin et Marguerite

A partir de l’âge de deux ans et demi, moi qui étais la plus jeune, mais il y avait les autres avec moi, ma mère nous emmenait cueillir la fleur de jasmin, à Grasse ou à Mouans-Sartoux. La saison de cueillette de la fleur de jasmin dure du premier août, et à l'époque nous allions à l'école jusqu'au 31 juillet, et reprenions au 15 octobre. Un bonhomme venait nous chercher à Cannes avec une carriole et un âne, on emportait une paillasse, quelques ustensiles de cuisine, maman, ma sœur Pauline, pas Félicie ni Henriette, et moi. On allait dans la campagne, en pleine nature.

Il y avait des rats, de tout puisque c'étaient des cabanons faits de quelques planches, avec un cyprès devant comme on les voit toujours abandonnés aujourd'hui dans les campagnes. On recueillait l'eau dans de grandes jarres, pour arroser, mais nous allions chercher l'eau pour nous à la fontaine.

On se réveillait le matin à trois heures. Au début, ma mère me laissait dormir, mais à partir de trois­ ou quatre ans, j'ai commencé à cueillir la fleur, avec Pauline et ma mère. Cela durait de trois heures du matin à onze heures, midi. Le quinze août, c'était la plus grande fougue : il fallait toutes les ramasser, parce que sinon, elles étaient perdues, car dans l'après-midi, elles tombaient, flétries.

Fleur_de_jasminCela se payait très cher, pour le patron bien sûr, mais même pour la cueilleuse. Cela faisait une saison où l'argent rentrait. C'est ainsi que mes parents avaient pu financer leurs investissements ...

On ne dépensait en effet pas beaucoup. On vivait d'une salade de tomates, de pain, beaucoup de pain, ce que le patron de la campagne nous apportait. Il nous disait :

- Vous voulez des melons ?

Bien sûr, on voulait des melons, mais aussi des pastèques, des salades, des poivrons, des œufs, un peu de viande et du corned beef. C'était après la guerre de 14, on allait chercher une boîte de corned beef que l'on mangeait cru, ou à la sauce tomate ... L'après-midi, ma mère allait faire des lessives chez les gens du village. Ma sœur Pauline faisait des ménages. C'était aussi difficile que maintenant, pour les personnes qui passaient l'été à la campagne, de trouver des femmes de ménage. Ma mère était une laveuse exceptionnelle. Et moi, bien entendu, j'allais jouer sur la place du village. Je faisais des commissions, mais il ne fallait pas trop compter sur moi, j'étais insouciante, toujours un pied en l'air ... Je connaissais en revanche tout ce qui se passait dans le village. C'était moi, la radio ! Je savais les nouvelles, même les fausses... surtout les fausses !

Le samedi, après la fleur, nous repartions à pied et nous descendions à Cannes. Ma mère devait faire le ménage de mon père qui était resté à Cannes. Lui, travaillait. Il se faisait réchauffer la soupe chaque jour, ou deux œufs, mais il y avait deux assiettes pour chaque jour, une le midi et une le soir, dans l'évier. Il ne lui serait même pas venu à l'idée de se laver une assiette.

Ma mère arrivait donc le samedi pour nettoyer tout ça. Nous les filles, nous étions heureuses de revenir à Cannes. Nous passions une nuit, et hop, nous remontions à pied le lendemain dimanche à trois heures du matin, tout doucement, mais assez vite cependant pour pouvoir cueillir la fleur sans perdre un seul jour ! On arrivait ainsi vers les six-sept heures. On voyait le tramway qui montait, et je disais toujours à ma mère:

- On ne pourrait pas prendre le tramway quand même ? Il y avait une motrice, et derrière, une baladeuse, avec une balustrade à claire voie. J'aurais tant aimé pouvoir monter là-dedans !

Et il fallait en arrivant en mettre un rude coup pour rattraper le temps perdu, malgré la fatigue du trajet.

Plus tard, quand je fus plus grande, on n'allait plus faire le ménage de mon père, on allait danser. Chaque quartier avait sa fête. J'avais quatre ans de moins que Pauline, et comme elle allait danser, je faisais comme elle. Je ne dansais pas, mais je m'amusais, je l'accompagnais. Mais pas question toutefois d'y aller toutes seules :   -  Maman, vous nous emmenez danser ?
Elle était bien fatiguée, mais comme nous avions bien travaillé, elle nous emmenait. On était heureuses !

 

 
 

Elle dansait bien, Pauline. Elle   était menue, fine et légère. Elle valsait à ravir. Ma mère ne rentrait pas, c'était cher. .. Elle nous payait l'entrée. Mais à toutes les danses, il   fallait revenir à l'extérieur voir ma mère ... On se mettait sur le bord de   la piste, et hop :

 

    - Vous dansez, Mademoiselle ?
Elle dansait bien, Pauline, elle était menue, fine et légère, et élégante car elle confectionnait ses robes. Elle valsait à ravir.
Jusqu'à ce que j'aie eu seize ans, tous les étés, Je suis allée à la fleur.
Une année, j'ai refusé d'y aller. J'avais onze ans. Je disais:
    - Cette année, la fleur, je ne voudrais pas …

J'avais appris qu'en haut, à la villa du Docteur Caponi, ils avaient besoin d'une femme de chambre. J'y vais, je me présente, par l'intermédiaire de ma mère. Mon travail consistait à faire les lits, les chambres, le salon, la salle-à-manger et à servir à table. Le Docteur Caponi était un vieillard pour moi. Il avait peut-être cinquante ans ... Il fallait lui faire le lit, alors que chez moi, je ne l'avais jamais fait. Ma mère s'en chargeait, comme du linge : elle disait que nous usions trop de savon. Je faisais le ménage, mais seulement ce qui se voyait, selon moi. Enfin il me fallait faire le service des repas.


Ils étaient douze à table. Des plats énormes, plus lourds que moi, me semblait-il. Il fallait les présenter à la gauche. Une fois, il y avait des œufs à la coque au menu. Chez ces gens-là, il y avait beaucoup de poules ... et des artichauts dans la campagne. La cuisinière devait être âgée de vingt deux à vingt trois ans, c’est elle qui m'a appris à les préparer. Je me souviens donc que cette fois-là, le plateau a basculé et tous les œufs se sont écrasés sur le jeune homme que je servais. Je fus alors  prise d'un tel fou-rire que j'ai tout quitté, et me voilà partie à la cuisine, impossible de m'arrêter de rire ... Ils ont été obligés de se servir la suite, parce que j'étais incapable de rentrer à nouveau dans la salle-à-manger.

Au bout d'un mois de ce traitement, Madame Caponi a appelé ma mère, en lui disant qu'il n'était pas possible de me garder : j'avais cassé trop la vaisselle, chaque fois que je desservais, je cassais une ou deux assiettes ... Je n'étais donc absolument pas faite pour exercer le métier de femme de chambre.


Cette année-là, j'ai tout de même fini à la fleur, et bien contente encore….

L'histoire de la tante Marguerite vaut aussi d'être contée : Marguerite était la sœur de ma mère. C'était un petit bout de femme, mignonne, douce, tranquille - soi disant - et son mari, mon oncle qui était aussi mon parrain, possédait des tartanes, ces bateaux à voiles qui transportaient le sable par cabotage, tout au long de la côte, entre Nice, Saint Tropez, Cannes .....
Cermak__tartanesLorsque la tartane arrivait au port, à Cannes, il fallait débarquer le sable, dans des hottes, à dos d'homme. C'étaient ma tante et mon oncle qui déchargeaient. Elle avait déjà trois enfants.
Un jour, son mari lui dit : .
    - Tu sais, nous avons une chambre en trop, et moi j'ai rencontré une femme très bien, une veuve, qui serait disposée à nous la louer, ce qui nous ferait un peu d'argent pour finir de payer la tartane.

Ma tante était alors enceinte d'environ sept mois, et elle continuait à décharger le sable sur son dos chaque fois que son mari accostait à Cannes. Elle préparait à manger dès le matin afin que les enfants, en arrivant de l'école, puissent déjeuner chaud. Deux ou trois fois, elle s'était aperçue que non seulement mon oncle ne venait pas au bateau, mais que le déjeuner disparaissait à une vitesse inaccoutumée, ou qu'il n'y avait plus de déjeuner pour ses petits.


Margueritte_Spicuzza_en_1917Un jour, elle trouve au fond d’un tiroir, un vieux fusil, une vieille arme qui ne servait pas depuis longtemps. Elle pense :

- Si je les attrape ….

Ce jour-là, elle avait préparé un pot-au-feu magnifique, et toute la matinée en travaillant elle s'en régalait d'avance. Elle arrive, et plus rien, ils avaient tout mangé ! Et soudain, elle entend la porte d'en haut qui se ferme sur les tourtereaux ... Elle sort le pistolet du tiroir, elle monte à l'étage et leur crie :
- Sortez de là !

Pan, pan, pan, elle tire à travers la porte.

Probablement que la pauvre femme devait se tenir juste derrière celle-ci, en tous cas, elle l'a tuée !

Immédiatement, la police, les gendarmes….

On transporte la femme à l'hôpital. Mon oncle s'échappe par la fenêtre et disparaît trois jours aux îles de Lérins. Quant à Marguerite, un petit dans chaque main, enceinte jusqu'aux yeux, on la mène à Grasse où les gendarmes ne veulent pas la garder. .. Ils lui ont encore donné les sous pour redescendre à Cannes. Avec le tramway.

Et la voici en photo, prise en 1917, probablement à cette époque !

à suivre, par ici.....

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