23 février 2008
Affaire terminée, j'arrive ! - Chapitre 15
Chapitre
15 – Débriefing
Jean.
Au bureau militaire où nous nous sommes présentés immédiatement, nous avons été interrogés séparément, sur les circonstances de
notre évasion. Jo est assez vite autorisé à partir pour Nice, mais moi, je dois
faire plusieurs navettes à Vierzon. Pourquoi ? J'ai touché mes mille francs de
prime de démobilisation, comme tout le monde, je me suis acheté un bon livre
pour passer le temps et j'attends en logeant au mess de garnison. Je suis alors
prié de me rendre au 2° Bureau de Renseignements. Là, un Capitaine me reçoit,
d'un air plutôt glacial, et me demande encore une fois de lui raconter mon
passage de la ligne de démarcation. Evidamment, c'est difficile à avaler, et il
aurait des doutes que cela ne m'étonnerait pas. Jo a dû lui raconter que j'ai
rigolé avec le fritz, et comme il n'a rien compris, cela l'intrigue.
Pendant que je parle, planté devant son bureau, il me tourne autour, perplexe, puis d'un geste brutal, par derrière, m'arrache le
livre que je tiens sous le bras. Il l'ouvre, le feuillette, et prend
connaissance du titre : il s'agit de la biographie du Capitaine Henry de
Bournazel, tué au Maroc en 1933. Il me demande pourquoi ce livre. Je lui
réponds que c'est parce que je sais qui était cet homme, que j'ai connu à Meknès,
connu étant un bien grand mot, mais c'était en effet un homme qui ne passait
pas inaperçu, aussi bien dans les rues que dans les brasseries qu'il
fréquentait. Du coup, mon Capitaine change tout à fait de comportement, devient
soudain gentil, et nous causons, comme de vieilles connaissances. Il me dit que
mon histoire l'intrigue.
On n'a jamais vu un officier allemand faire accompagner par une sentinelle deux évadés. Je lui assure que c'est pourtant la
pure vérité, que nous avons vraiment été pris pour des clandestins de la zone
non-occupée, ayant fourni tout ce qu'il fallait savoir sur mon domicile à
Cannes, etc, etc …Il finit par s'en convaincre, mais me fait remarquer que
l'Allemand aurait dû me faire subir quinze jours de prison pour franchissement
illégal de la ligne ... Cela devait le gêner .... Il faut savoir qu'à cette
époque, les évadés n'ont pas droit à la médaille, bien au contraire !
Finalement il m'apprend que je suis libre et peux partir dès demain. Je
retourne au mess, et en prenant l'apéro, je vois entrer trois civils dont un
avec des menottes aux poignets.
Celui qui a l'air d'être le chef vient prendre un verre près de moi, et me dit que le gars aux menottes est un récidiviste de la
démobilisation, à cause de la prime. Il me déclare également qu'il m'avait
soupçonné moi aussi, mais que le jour même il avait reçu de Casablanca un
télégramme le renseignant sur mon identité. Je le rassure sur mon cas et en
finis avec Loches. Le train pour Marseille n'est plus qu'une formalité. Mais je
dois y attendre plusieurs jours car les départs sont très limités pour
Casablanca. Les commissions d'Armistice, aussi bien italienne qu'allemande
étant, parait-il, très pointilleuses dans leurs contrôles.
Trouvant que la comédie a assez duré, au bout de quelques jours je me rends au bureau des
départs pousser une gueulante. Enfin, on me glisse dans un contingent de jeunes
appelés du Service du Travail en partance pour Oran. A la frontière marocaine,
à Oujda, nous faisons une grande pause pour les formalités de douane. J'en
profite pour faire un tour dans la gare. J'aperçois un légionnaire, tiré à
quatre épingles. Je lui demande s'il veut bien envoyer un télégramme que je lui
tends avec de quoi boire un coup, ce qu'il fit. Dans un train bondé, je quitte
cette ville, direction la maison. Le trajet est long, et je suis impatient
d'arriver. En gare de Casablanca, j'ai l'immense joie d'être attendu par ma
chère Lulu et notre petite Claudie. Le cauchemar est fini, enfin, c'est le
bonheur qui nous attend.