Une erreur judiciaire : l’assassinat à Rodez du procureur Fualdès
Mais qui et surtout pour quel mobile le pauvre Fualdès
a-t-il été assassiné ? Pour le dépouiller d’un sac d’argent, mais
qu’allait-il faire dans cette maison Bancal mal-famée, sans lumière, à la nuit
tombée ? Le magistrat était un ancien révolutionnaire, franc-maçon et très
actif contre les prêtres réfractaires. On pressentait qu’il savait bien des
choses sur l’évasion de Louis XVII du temple….Une correspondance anonyme est
adressée au Garde des Sceaux, Decazes, qui se garde bien de faire une enquête.
En réalité, c’est l’opinion publique qui fait la justice. Car pour la première
fois, les imprimeurs publient au jour le jour les comptes rendus des audiences.
On ne comptera pas moins de 500 témoins, pour la plupart stipendiés et
manipulés. On écartera les témoins à décharge. Les mémoires de Clarisse Manzon,
traduites en plusieurs langues, deviendront un best-seller, une complainte de
48 couplets sur l’Air du Maréchal de Saxe,
connaîtra un énorme succès, de multiples gravures dépeignant les protagonistes
de l’affaire et les condamnés, exécutés alors qu’ils étaient innocents ou morts
en prison, seront publiées.
Crime crapuleux ou crime politique ? Selon Jacques
Miquel, la thèse de l’assassinat politique ne tient pas. Mais selon Philippe
Méraux, qui a publié aux éditions du Rouergue « Clarisse et les
égorgeurs », à partir d’archives familiales publiées récemment, il s’agit d’une véritable exécution, perpétrée après un simulacre de
jugement, par un bourreau professionnel lui-même obligé à ce crime pour faire
oublier ses activités antérieures. Les acteurs de ce drame sont des conjurés
ultraroyalistes, dont certains figureront comme témoins aux différents procès, membres
d’une secte secrète des Chevaliers de la Foi, et qui sachant leur complot
découvert, vont tuer le pauvre Fualdès après l’avoir vraisemblablement délesté
de certains papiers compromettants et d’une forte somme d’argent.
Lorsqu’on lit «Da Vinci code», on se dit que toutes ces histoires de sociétés secrètes ne tiennent pas debout. C’était cependant loin d’être le cas au XIXème siècle, en ces temps troublés où des régimes tout à fait opposés se succédaient à un rythme rapide, où Charles X complotait contre son propre frère, et où un vaste complot ultranobiliaire visant à « prendre d’assaut » la ville de Rodez avec de manifestes complicités au niveau civil et religieux le plus élevé n’avait pas hésité à piller une malle poste pour financer ses activités. Bref, la ville de Rodez, notamment à travers la complainte du pauvre Fualdès, eut longtemps à subir une image de noirceur et de dangerosité totalement injustifiée. Il est vrai pourtant qu’en parcourant récemment, à la nuit, la fameuse rue des hebdomadiers (aujourd’hui, rue de Bonald), on en tremble encore !
(en haut à droite : la Préfecture, en bas à gauche la Cathédrale)