Le musée du Jeu de Paume présente une exposition éclatée sur ses deux sites : Concorde et Hôtel de Sully, sur deux acteurs majeurs de l'art du photo-journalisme, que je recommande de voir dans l'ordre chronologique :

Erich SALOMON, le roi des indiscrets (jusqu'au 25 janvier)
Né en 1886, fils d'un banquier berlinois bientôt ruiné par la débâcle financière, le Docteur Salomon est l'un des premiers qui, grâce à son humour, sa séduction et sa parfaite maîtrise des nouvelles technologies (caméra LEICA ou ERMANOX, discrète, à film ILFORD de haute sensibilité et sans flash) réussit à capter les expressions les plus spontanées du pouvoir. Intimité des célébrités, anxiété des attentes interminables des multiples conférences de la paix de l'entre-deux guerres, séance de la Cour Suprème britannique totalement interdite à la Presse, mouvement d'humeur des députés nazis au Reichtag....Rien ne lui échappe.

En réalité, il s'efforce de ne jamais mettre ses proies en difficulté, tout en refusant tout portrait "posé". Il les appate en leur montrant un cliché "volé" et ensuite guette leur réaction, toujours flattée, regard frisant : Aristide Briand, Edouard Herriot, Gustav Streseman, Thomas Mann, Austen Chamberlain et aussi Marlène Dietrich téléphonant à sa fille depuis New York à 4 heures du matin, Ernst Lubitsch, Bruno Walter ou Wilhelm Mengelberg conduisant l'orchestre.
Il a tout inventé, c'est l'un des pères fondateurs de LIFE. "De nos jours, on peut faire de la politique sans politiciens, mais pas sans le Docteur Salomon" disait de lui le ministre-Président de Prusse, 0tto Braun.
Erich Salomon a naturellement vu venir la guerre et crut qu'il allait pouvoir continuer à se cacher dans sa cave en Hollande. Dénoncé par l'employé du gaz, il sera déporté avec sa femme et leur plus jeune fils à Auschwitz en juillet 1944.
On sort de cette collection d'images avec un sourd malaise : derrière l'humour et la vie, je pense à tous les "sommets" qui se tiennent aujourd'hui de par le monde pour mettre en oeuvre des solutions à la crise économique, aux épuisantes recherches d'unanimité parmi les 27 pays de l'Union européenne...Ne sommes-nous pas revenus à l'entre-deux guerres...Pourvu que je me trompe !

(1) à l'Hôtel de Sully