Voici une histoire que l’on ne trouve pas dans les manuels français, celle de la première défaite de Napoléon Bonaparte, celle du peuple d’Ayiti. Il aura fallu un cataclysme pour la mettre en lumière…si j’ose dire !

Ayiti, ainsi nommée dans la langue des Taïnos, les habitants d’origine de l’ile, est le tiers occidental de l’ile de Saint Domingue, la perle des Antilles découverte par Christophe Colomb le 5 décembre 1492, qu’il baptisa Hispaniola. Dans notre imaginaire de personnes un peu cultivées, c’est surtout la première république indépendante noire, proclamée à l’issue de la Révolution haïtienne (1791-1803).

Ce que l’on sait moins, c’est que cette partie de l’ile étant dépourvue d’or, les espagnols la délaissèrent. Boucaniers et flibustiers français peu à peu s’y installèrent. Les autochtones amérindiens, refusant de travailler dans les mines, furent rapidement anéantis, exilés, décimés par les maladies et remplacés par des esclaves déportés d’Afrique. Sous Colbert, des colons français s’engagent pour trois ans afin de devenir propriétaires d’une terre. Les plantations d’indigo et de canne à sucre sont favorisées par la métropole. Au traité de Ryswick (1697), les Espagnols renoncent à contester la souveraineté de la France sur cette partie de l’ile, qui devient une des plus prospères de notre empire colonial. Jusqu’à la Révolution…..

Les idées de la Révolution française séduisent et divisent la population de la colonie : les petits blancs et les noirs y sont naturellement favorables, les grands blancs naturellement opposés. En particulier, les noirs libres réclament l’égalité avec les blancs ! Des révoltes éclatent, le rapport de forces démographique est catastrophiquement défavorable aux blancs, dix fois moins nombreux que les noirs. En effet, la population des esclaves atteint 400 000 âmes ! Pendant ce temps, la mère-patrie est en danger, en guerre permanente contre l’Europe coalisée et en particulier l’Angleterre, … qui vient occuper ses colonies antillaises. Pour se concilier la population noire et résister aux troupes anglaises, la Convention décrète l’abolition de l’esclavage dans l’ensemble de ses colonies en 1793.

Toussaint Louverture (1746-1803) est un officier noir lettré qui a été formé par les armées du roi d’Espagne. Il a été nommé général, il a été affranchi à l’âge de 33 ans, a épousé une femme libre. Il sera nommé gouverneur par les émissaires de la Convention, gère le pays de façon ambitieuse, rétablit son économie et sa prospérité. En particulier, il rétablit le travail forcé dans les plantations en 1800, ce qui ne manque pas de provoquer des révoltes. Il franchit un pas de trop en promulguant une Constitution autonomiste, qui en outre lui confère les pleins pouvoirs à vie – cela va devenir un leit motiv ici et ailleurs….

Poussé par la caste des grands propriétaires créoles (et son épouse ?), Napoléon Bonaparte forme un corps expéditionnaire de 47 000 hommes pour déposer Louverture et rétablir l’esclavage. Après quelques succès – en particulier la capture de Toussaint Louverture – la mission s’achève par la défaite de Vertières où 40 000 français périssent. C’est une défaite de Napoléon dont on nous a rarement parlé ! Le vainqueur, Dessaline, se fait désigner gouverneur à vie.

La République d’Haïti est proclamée le 1^er janvier 1804. Sa devise est "Liberté - Egalité - Fraternité".

Toussaint Louverture, enfermé au fort de Joux (Jura) y meurt de froid (dit-on) en 1803, sa famille est déportée à Bayonne puis à Agen. Quant à Dessaline, ses deux lieutenants, Christophe et Pétion le font assassiner et se partagent le pays, le nord au premier, le sud au second…Un autre dictateur la réunifiera….L'indépendance d'Haïti sera confirmée par Charles X qui imposera en échange une énorme indemnité (90 millions de Francs-or) en dédommagement des pertes subies par la France, une sorte de rachat des esclaves....par eux-mêmes.

Depuis cette époque où chacun souligne l’exploit de la première libération par elle-même d’une colonie à population très majoritairement noire, l’histoire d’Haïti n’est qu’une succession de coups d’Etats, de corruption et d’accaparement des rares richesses au profit d’une élite minoritaire, d’exploitation de la population paysanne, le pouvoir en place étant perpétuellement contesté par la classe marchande ainsi que les étrangers installés dans le ce pays qui vit une situation d’insurrection permanente.

Haïti fut même carrément occupé par les Etats-Unis de 1915 à 1934, la grande puissance considérant que cette ile fait partie de sa sphère d’influence naturelle. Aujourd’hui, elle se soucie surtout d’un afflux de réfugiés…..On se souvient aussi de la dynastie des Duvalier et de ses « Tontons macoutes », pas plus reluisantes sont les « Chimères » du Président à éclipses Jean-Bertrand Aristide, tour à tour soutenu, démissionné, réélu puis exfiltré par l’administration américaine.

Depuis 2006, la mission de stabilisation des Nation-Unies s’efforçait de remettre le pays sur de bons rails. Le Chef de l’Etat, le Président René Préval, rescapé ainsi que son Premier Ministre de l’effondrement de son palais de tarte à la crème, va-t-il pouvoir montrer ses talents ?

Aujourd’hui, c’est le 3° jour, le plus crucial en telles circonstances. Un tremblement de terre d’une telle violence est catastrophique même dans un pays organisé et disposant par ailleurs de moyens logistiques. Comment faire avec rien ? ne pas se décourager et apporter notre aide à des organisations dignes de confiance et déjà opérationnelles sur place comme SOS-Villages d'Enfants, par exemple !