27 janvier 2010
Les "colonies industrielles" de Catalogne
Un patrimoine sauvegardé entre terre
et mer
Pendant près de vingt ans, j’ai travaillé dans le secteur du financement du logement des salariés (en France, le « 1% »). Une exposition sur les cités industrielles de la haute Catalogne ne pouvait que m’attirer.
Situées sur les hautes berges des fleuves Ter et Llobregat, dans la montagne, les cités industrielles catalanes se distinguent par l’existence de multiples services qui permettaient aux travailleurs de mener leur vie quotidienne sans sortir de l’espace de la cité.
L'exposition « Colonies industrielles », organisée au Musée d’Histoire de Catalogne, justement dans un immense Magasin général du port reconverti à la manière de la Tate Modern de Londres, conjointement par le ministère de la Culture et politique des médias et des Travaux publics de la Generalité de Catalogne et le Collège des Journalistes de Catalogne, montre de façon particulièrement claire et didactique, pour la première fois, ce phénomène des colonies.
Les
extraordinaires réalisations des architectes visionnaires qu’on admire le long
des avenues de Barcelone n’auraient pas été possibles sans la réussite financière
des mécènes tels Eusebi Guëll, passé à la postérité à travers Antoni Gaudi. L’industrialisation
a permis à la Catalogne d’entrer dans la modernité, qui a contribué à renforcer
son identité propre. Les constructions industrielles suivent les courants
architecturaux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. La vie quotidienne des habitants de la zone
industrielle constitue un phénomène caractéristique unique de l'industrialisation
catalane, particulièrement dans le cas des colonies textiles, implantées au
plus près de l’énergie ou au lieu d'exploitation même des ressources naturelles
dans le cas de la métallurgie et des champs miniers. Dans le nord de la France,
les propriétaires des puits de mines construisirent à la même époque les corons, ici, on nomme les cités ouvrières
« colonies ». Le logement, l’espace
essentiel de la rue (la promenade du soir indispensable à la vie catalane et
espagnole), l’activité éducative, les services médicaux gratuits dispensés par
la colonie, sa forme d'organisation (rythme d'horaires de travail, vie sociale,
loisirs des habitants) ainsi que la vie des « seigneurs de la Tour »,
ceux qui vivaient dans les splendides demeures de Barcelone forment la trame de
l’exposition.
La localisation de la colonie, éloignée de la Ville, sans doute
directement liée à l’approvisionnement en eau comme source d’énergie, mais
aussi devenue un modèle catalan pour assurer la paix sociale, par opposition
aux conflits générés au sein d'usines situées dans les centres urbains. Fournissant une gamme de services (logement,
écoles, crèches, commerces, cinéma, théâtre ...) la colonie garantissait ainsi
aux travailleurs des conditions de vie décentes, favorables à la productivité
et à la qualité, tout en devenant un système de contrôle social par les
employeurs.
La continuité entre la vie professionnelle, privée et temps sociaux
encourageait la formation d'un lien d'identité fort entre les habitants de la
colonie qui, dans de nombreux cas, a survécu jusqu'à aujourd'hui. Pour cette
raison, le patrimoine industriel et tout ce qui l'entoure a été largement
préservé.
L'exposition présente également les alternatives d'avenir de ce passé industriel, tout en récupérant la mémoire historique, souvent orale, encore vivante de nos jours.
A Barcelone, Museu d'Historia de Catalunya, Plaça de Pau Vila,3 ; www.mhcat.cat , jusqu’au 7 mars, fermé le lundi.