08 février 2010
A SERIOUS MAN, film de Joel et Ethan Coen
1967 à Minneapolis.
Larry Gropnik (Michael Stuhlbarg) est un professeur de physique quantique qui tente d'initier ses étudiants aux mystères de l'expérience du chat "mort-vivant" de Schrödinger.
Une série de catastrophes s'abat sur lui : un étudiant coréen tente de le corrompre, sa femme lui annonce qu'elle veut divorcer car son collègue Sy Ableman (Fred Melamed) est "entré dans sa vie". Elle a donc besoin d'un divorce rituel afin de pouvoir se remarier religieusement. Elle lui demande de vider les lieux, de s'installer au motel du coin et d'emmener avec lui son frère qui depuis un certain temps "tape l'incruste" chez eux, sans travailler mais en s'attirant les foudres de la police. Sa fille ne pense qu'à se faire refaire le nez et à se laver les cheveux, son jeune fils qui doit célébrer sa Bar Mitsvah dans quelques semaines, semble ne pas trop s'intéresser aux cours dispensés par l'école hébraïque qu'il fréquente, son directeur le torture en insinuant qu'il pourrait ne pas le titulariser après dix années d'enseignement dans cette petite université du Middlewest.
Larry est un homme juste et bon, un homme sérieux. Il ne comprend pas pourquoi Dieu lui envoie autant d'épreuves familiales, financières, professionnelles...Serait-ce à cause de la malédiction qui remonte au sthetel, lorsque son arrière grand-mère à poignardé un homme qu'elle pensait être un dibbouk* ?
Avec ce dernier film des frères Coen, une extraordinaire galerie de portraits à la fois cruels et tendres, drôles et attendrissants nous fait plier en deux, tout en nous disant : mais ce destin tragique, c'est le mien ! Tous les détails des situations, des décors, des couleurs sont à voir et revoir, à considérer avec une attention extrême. C'est du grand art. Même si nous, pauvres goys ne captons pas tout, nous nous retrouvons tellement proches de cette famille qui, tout en gardant son attachement à une communauté forte, vit le rêve américain avec d'autant plus de ferveur qu'elle puise encore ses racines dans certaines superstitions. Larry va bien chercher auprès de trois Rabbis des réponses à ses questions existentielles, mais les savants ne lui en fournissent aucune : l'obligation de servir est celle du fidèle envers Dieu et non l'inverse .....Pourtant, Dieu va intervenir en faveur de Larry, pas toujours sans conséquences fâcheuses.....
Pas de tête d'affiche - sauf Adam Arkin, en avocat compatissant, mais coûteux - mais tous les acteurs jouent juste et vrai. Les femmes ne sont pas à la fête: traitresses, perverses, pas jolies. Après tout, la seule femme trouvant grâce aux yeux des frères Coen est-elle la délicieuse Frances Mc Dormand - la policière héroïque de Fargo, oscarisée dans ce rôle, et Mme Joël Coen à la ville ? Et d'ailleurs, la plupart des hommes de ce film sont des crétins !
*dibbouk : dans la mythologie juive et kabalistique, un esprit ou un démon qui habite le corps d'un individu auquel il reste attaché.
serious man: une autre lecture ?
A la reflexion, on se dit que le pauvre Larry Gopnik-Job pourrait arrêter le flot des malheurs qui l'assaillent. Quelques taloches distribuées à ses ados abusifs, une explication ferme avec sa garce d'épouse et son mielleux amant, ainsi qu'avec son fielleux chef de Département, enfin le refus définitif du divorce à l'amiable. Soit au total: un peu de testostérone, et quelques cabossages; ce n'est pas le rabbin qu'il faut aller voir, mais un prof de gym, tendance karaté.
Transposez ça à la géopolitique: en 1947, le Peuple d'Israël, en deuil de 6 millions des siens, a appris à tirer au canon, à piloter des avions de chasse, et à ne plus subir - quitte, hélas, à faire beaucoup subir à d'autres-. Serait-ce la vraie leçon du film ?