CAS DE CONSCIENCE, souvenirs de Pierre Joxe
C’est à un petit éditeur de Genève que Pierre Joxe a confié
ce livre de souvenirs. Genève, refuge de Jean Calvin, position de repli de
Voltaire, terre d’édition, comme Amsterdam, de bien des livres dérangeants à
leur époque.
Ce livre est-il, pour autant, subversif ? Parfois, il
cogne durement, contre des personnages toujours bien vivants et puissants – je
ne les citerai pas, pour ne pas vous enlever le plaisir de les découvrir. Mais
la première cible de Joxe, c’est Joxe lui même, qui n’hésite pas à avouer des
faiblesses dont il ne s’est pas remis totalement. Le voilà habillé en énarque
sous-lieutenant, promu au poste de censeur de presse par ses peu courageux
patrons d’Alger, en magistrat financier dont les rapports sont enterrés, en
Ministre obligé à de peu reluisants compromis. Pierre Joxe, qu’on peut suivre
ou ne pas suivre dans ses convictions, mais dont chacun admire la compétence et
l’énergie, ne se ménage pas lui-même. Ce courage, rare, doit être salué. Il
s’accompagne d’un humour caustique, qui rend cette lecture très agréable.
Mais le principal intérêt de ce livre est de nous faire
réfléchir, par exemple sur le besoin d’organiser l’effectivité des résultats
d’audits, publics et privés, et, plus encore, sur l’urgence de dépolitiser le
choix des magistrats constitutionnels. Le Conseil constitutionnel a de plus en
plus de pouvoirs, il faut en finir avec la désignation de copains par les trois
responsables de l’exécutif. Et, comme le préconise l’auteur, il faut
officialiser l’expression des opinions divergentes, comme en Allemagne et aux
Etats-Unis.
Un très bon livre, donc, passionnant pour ceux qui aiment
l’Etat et son fonctionnement.
Editions Labor et fides, Genève, 237 p. 19,50 €