La part des anges, film de Ken Loach
Qu’est-ce qui continue à faire courir Ken Loach (né en 1936), après ses nombreuses distinctions glanées dans les plus prestigieux festivals de cinéma – en particulier une Palme d’Or et trois Prix du Jury à Cannes ?
La révolte face à l’injustice sociale, un combat qui n’a jamais de fin. Avec La part des anges « Angel's Share », la parabole prend un ton à la fois tragique et comique, et la morale du « happy end » n’a rien de politiquement correct. Voici l’histoire de Robbie (Paul Brannigan), Rhino (William Ruane), Albert (Gary Maitland) et la jeune Mo (Jasmine Riggins), jeunes délinquants récidivistes condamnés à des travaux d’intérêt général sous la houlette d’un brave éducateur solitaire, par ailleurs amateur – au sens noble du terme – de whisky, Henry.
Le plus intelligent, c’est Robbie, qui traîne après lui un passé d’irrépressible violence et la menace ouverte de se faire exploser la tronche déjà passablement balafrée par une bande de salopards de son quartier. Pourquoi au juste ? Il ne le sait pas lui-même, mais il sait qu’avant lui, son père, sans doute son grand-père, se sont étripés de la même façon (une allégorie de la question irlandaise ?). Cependant Robbie vient d’être père à son tour et le marché que Léonie sa copine lui met en mains est clair : où il ne retourne plus en prison, où elle le quitte, avec le bébé.
Une première partie bien noire, bien terrifiante. Mais voilà, il y a toujours un moyen de s’en sortir. Henry, qui s’attache à ces jeunes paumés, les initie à la science de la dégustation du whisky. Il leur fait visiter une distillerie – le film se déroule à Glasgow – et il s’avère que Robbie révèle un vrai talent de « nez ». Il bûche la question dans des livres, court les dégustations commentées, se fait remarquer par un collectionneur (Roger Allan, l’écrivain de Tamara Drewe). Une expédition pas très catholique va conduire le quatuor jusqu’à la vente aux enchères exceptionnelle d’un fût rarissime. Et pour passer inaperçus, nous comparses vont revêtir des kilts, une idée lumineuse de Rhino, un être à la limite de l’arriération mentale.
C’est drôle, émouvant, réaliste comme dans un docu-drama, plein de tendresse et d’espoir. Un Ken Loach à déguster comme un vieux whisky aux arômes de fumée évanescente, de tourbe et de fruits écrasés….