Pour la plupart, ce sont des œuvres du début des années 1990, sauf l’une, celle que je préfère, «ermitage dans la montagne » datée de 2008, toute imprégnée du classicisme de la peinture chinoise.

Ce sont des grands formats bien mis en lumière sur les cimaises vastes et peu denses de la Fondation Cartier. Et vous en sortez avec un grand coup de poing dans l’estomac, déstabilisé.

Du jamais vu, du dérangeant, du brutal … Et ce qui m’étonne encore le plus est de savoir que Yue Minjun (né en 1962) réside et travaille près de Pékin …

Ce n’est pourtant pas un artiste conventionnel, loin s’en faut. Car « l’ombre du fou rire » ne donne pas à rire : répétition, visages grimaçants à mâchoires garnies de plus de 38 dents - je les ai comptées -  peau rose bonbon, situations absurdes. Le modèle principal du peintre est son propre visage, dupliqué à l’infini tout comme les bannières de soie rouge flottant au vent de la Révolution du Grand Timonier …

Le rire est une donnée que nous, occidentaux, percevons sans doute différemment. Ici cependant, on ne peut pas ignorer la provocation, l’esprit de résistance, l’assurance contre la peur. Et aussi comme stratégie d’attaque : le haha-xiao-xiao en Chine consiste à rire très fort pour déstabiliser l’autre.

On retiendra surtout les extraordinaires reproduction de tableaux célèbres  : Manet (l’exécution de l’empereur Maximilien), Delacroix (la Liberté guidant le peuple) ou Jacques-Louis David (l’assassinat de Marat) détournés ou vidés de leurs personnages (La cérémonie de fondation de la Nation, la conférence de Guian). En fait, on ne comprend pas tout de suite le propos du peintre, mais ensuite, on reconstitue son cheminement.

Une exposition surprenante, une autre idée de la vitalité de la Chine, décapante ….

Yu Minjun, l’ombre du fou rire, exposition à la Fondation Cartier pour l’art contemporain – 261, boulevard Raspail 75014 Paris, tous les jours de 11 heures à 19 heures. Jusqu'au 17 mars.