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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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10 novembre 2015

Mort d'une Héroïne Rouge, polar de QIU Xiaolong

 

héroïne rouge

A 35 ans, Chen Cao est inspecteur principal de la police criminelle de Shanghaï et aussi un poète qui commence à être publié. Comme tous les chinois des années 90, il n’a pas choisi cette carrière. Les emplois, comme les logements ou les rations alimentaires sont répartis par l’Etat tout puissant, c’est-à-dire le Parti. Le voici aux prises avec une affaire dite « spéciale » : le meurtre d’une jeune femme exemplaire, une travailleuse modèle de la nation, à laquelle a été décerné le titre d’Héroïne rouge, cadre, chef de rayon des cosmétiques du Magasin numéro 1, bref : une célébrité.

Son corps a été retrouvé dans un endroit isolé, accessible uniquement en voiture … mais qui, à part un taxi, possède une voiture à Shanghaï ? Peut-être un membre de l’élite, ou un ECS (enfant de cadre supérieur), ces héritiers des compagnons de la Longue Marche … L’affaire devient de plus en plus sensible, mais Chen Cao tient à la mener jusqu’au bout, malgré les pressions de plus en plus fortes qu’il subit pour enterrer la procédure, de peur que la vérité ne nuise à l’image du Parti.

Mort d’une Héroïne rouge est le premier roman de la série policière conçue par Qiu Xialong, publié aux Etats-Unis en 2000. Il nous fait percevoir les changements intervenus dans la société chinoise de Deng Xiaoping et ses successeurs, les progrès de l’économie de marché et de la corruption, les traditions philosophiques toujours prégnantes, les lourdes séquelles de la Révolution culturelle. Comment les Gardes Rouges furent appelés « jeunes instruits » et envoyés à la campagne auprès des paysans pauvres et moyens-pauvres pour y être rééduqués et ne puissent plus créer de troubles dans les villes, comment désormais coexistent les marchés libres (où tout est bien plus cher mais où on ne fait pas la queue) et les marchés d’Etat, comment se bâtissent des empires industriels tandis que le plus grand des délits reste la « corruption et crime sous l’influence bourgeoise occidentale », qui peut mener à l’exécution capitale, dans l’heure qui suit un verdict connu d’avance.

L’inspecteur Chen se pose beaucoup de questions sur son avenir professionnel dans cette première enquête. Il arrondit ses fins de mois en effectuant des traductions d’œuvres anglo-saxonnes (T.S. Eliot, mais aussi des romans policiers) et reçoit des droits d’auteurs quand un de ses poèmes paraît dans un quotidien du Parti. Ne se montre-t-il pas trop intransigeant pour rester dans la police ? Il est pourtant membre du Parti. Encore une contradiction, un dilemme. C’est un amoureux délicat, timide et sensible, mais n’a pas encore trouvé la femme de ses rêves. Ou plutôt si, à Pékin, elle se nomme Ling mais elle appartient à une « caste » politique bien trop élevée pour lui. Encore une des contradictions du monde chinois révolutionnaire.

Car ce livre nous apprend bien plus sur la Chine d’aujourd’hui – les énormes différences et aussi les similitudes avec notre monde, et on imagine aisément l’accélération engagée dans les 25 dernières années – son évolution sociale au contact du monde extérieur. Bien entendu, la résolution de l’énigme policière est menée de façon classique, à l’aide d’une équipe particulièrement sympathique – l’adjoint de Chen, l’inspecteur Yu et sa femme Peiqin tiennent un rôle crucial, mais aussi le Vieux chasseur, ancien policier et père de Yu, le Chinois d’Outre-mer qui fait fortune en ouvrant un restaurant de cuisine russe … sans parler des figures féminines comme la belle journaliste Wang.

Un polar bien mené et une intrigue construite avec rigueur, un décor totalement dépaysant, la description minutieuse des arcanes de l’administration du Parti, des références littéraires délicates, des descriptions gastronomiques : un roman foisonnant à lire à plusieurs degrés. On en redemande !

Mort d’une Héroïne rouge, polar de QIU Xiaolong traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle, aux éditions Liana Levi, et en poche « Points »502 p., 8€

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