Esther a neuf ans au début de l’album, habite dans le 17ème arrondissement et va en classe de CM1 dans une école privée (Sainte Ursule ?) car le privé, c’est mieux pour les filles « Y a moins de voyous dans le privé » pense son papa (!), elle a une vie amicale très riche et elle est fière de sa souplesse (elle sait faire le grand écart ...). Elle vit avec son papa adoré, coach sportif, et sa maman qui travaille dans une banque et dont elle parle peu. Elle partage sa chambre avec son grand frère Antoine, un ado détestable, toujours la tête dans un écran (comme beaucoup d’autres …). A travers ses yeux de petite fille dotée d’une famille heureuse, c’est notre monde cruel qui défile. Et c’est parfois drôle, souvent terrifiant, mais toujours sincère.

Car à cet âge, la violence entre enfants, la méchanceté, l’omniprésence de héros dont nous, les adultes, nous n’avons pratiquement jamais entendu parler (chanteurs, rapeurs, princesses de dessins animés), et, très paradoxalement, du sexe, nous scotchent.

Au-delà de la qualité graphique tout en rondeurs déjà rencontrée dans « L’Arabe du futur », ce recueil de «52 histoires vraies extrêmement intéressantes» (c’est elle qui les qualifie ainsi) a déjà été publié dans l’Obs entre Octobre 2014 et Octobre 2015. On prête à son auteur l'ambition de suivre cette petite-fille durant toute son enfance ...

Rêves, cauchemars, incompréhensions, angoisses, aspirations … le monde d’Esther est bien éloigné de celui que l’on imagine pour des enfants de cet âge. Car de leur vie quotidienne en dehors de la présence de leurs parents, il parlent rarement à la maison : désintérêt pour l’enseignement, grossièreté du langage, rivalités, exclusions, béguins, jeux stupides de cour de récréation, cruautés enfantines de colonie de vacances (ça, je l’ai constaté avec l’une de mes petites-filles), différences sociales, sens tout relatif de la beauté et de l’élégance … Riad Sattouf a su écouter cette petite fille dont l’aspiration ultime est de posséder un IPhone – mais son papa l’a décrété : pas avant le collège !

Ces chroniques sonnent vrai. Moi aussi, quand j’avais 10 ans, je rêvais d’être chanteuse … Heureusement que ces petits bouts de chou sont encore malléables et que leurs parents et professeurs pourront – au moins pour certains – les aider dans leur parcours … Les élever, au sens littéral du terme.

Les cahiers d’Esther, histoire de mes 10 ans -  BD de Riad Sattouf, Allary éditions, 54 p. 16,90€