Les temps mérovingiens, exposition au Musée de Cluny
Les instituteurs de la Troisième République ont façonné une image de la dynastie mérovingienne bien peu flatteuse : une période barbare, des temps obscurs, des rois fainéants … le bon roi Dagobert, dont on voit le trône ici !
Tout cela n’est bien souvent que le fruit de manipulations à visées politique et nationaliste et nous savons aujourd’hui, notamment à travers les récentes découvertes archéologiques, que ces temps recouvrent une civilisation bien plus riche, même si les vicissitudes des roitelets et leur ardeur guerrière sont marquées par la violence des combats entre peuples et les assassinats (certains parlent de "désherbage dynastique" – cf : l’affrontement mortifère entre Brunehaut et Frédégonde, entre autres joyeusetés du temps (mais c’est une autre histoire !)
Une période déjà dominée par la ferveur chrétienne - ciment de toute cette civilisation - s’exprimant par la dévotion aux reliques, la puissance de la liturgie, la force de l’écriture sacrée diffusée à travers un maillage serré de monastères constituant autant de centres de connaissances et de pouvoir.
Entre le délitement progressif de l’empire romain incapable de protéger efficacement ses immenses frontières et l’avènement de Charlemagne, donc entre 451 – victoire de la coalition à la bataille des Champs Catalauniques contre Attila, à la suite de laquelle Mérovée, roi des Francs saliens, fut reconnu par Rome - et 751, de Clovis à Pépin le Bref, l’exposition du musée de Cluny nous offre une vision bien plus pertinente d’une période méconnue et peu valorisée. Et pourtant, qui présente bien des similitudes avec les temps troublés que nous vivons aujourd’hui.
C’est l’époque où l’Europe connait des migrations de peuples venus de l’est et pourchassés par les Huns : les Saxons atteignent la Grande-Bretagne, les Wisigoths, les Suèves et les Vandales l’Espagne, les Alamans et les Burgondes s’installent dans les Alpes. Le territoire de la Gaule romanisée attire par sa richesse et sa stabilité, l’idéal de l’influence romaine et les progrès du christianisme sans pour autant abandonner certaines pratiques germaniques. Ces nouveaux arrivants ont hâte de s’assimiler, en tant que soldats et officiers, ou colons …
Ayant désormais dépassé les a priori de circonstance nés au XIXème siècle - « Les récits des temps mérovingiens » d’Augustin Thierry de 1840 et les partages successoraux stigmatisant les mœurs des princes de cette période comme des déviances typiquement allemandes ! - débarrassées d’une vision nationaliste et désormais européenne, la recherche et l’archéologie nous offrent à voir aujourd’hui de merveilleuses œuvres d’art.
Et en particulier des techniques raffinées : le cloisonné, les grenats, le filigrane, le damasquinage, la sculpture, les entrelacs, les enluminures, les motifs zoomorphes. Il ne nous reste qu’à admirer … et à réviser totalement notre vision des temps mérovingiens, plus si obscurs que ça !
Les temps mérovingiens, exposition au Musée de Cluny, musée national du Moyen-Âge, 6 place Paul Painlevé 75006 Paris, jusqu’au 13 février.