Clairac, Saint-Sardos, Pujols, promenade le long des vallées entre Lot et Garonne
La région où nous avons choisi de planter des racines est somptueuse en ce printemps 2017 ...
N'en déplaise à certains grincheux, il faut reconnaître que c'est le christianisme qui, dès les IIIème et IVème siècles, l'a organisée, administrée, développée à travers les fondations d'abbayes et d'églises paroissiales. Le paysage en atteste encore aujourd'hui ... la densité des chapelles du pays de Serres, autour du confluent du Lot et de la Garonne, en atteste.
Au haut moyen-âge, les sites majeurs de la christianisation sont situés le long des voies d’eau, si possible sur des éperons rocheux dominant le fleuve. Il en va ainsi de l’abbaye Saint Pierre de Clairac dont le catalogue des abbés débute en 1068. La nécessité d’encadrer les populations dans un espace hiérarchisé incite les religieux à essaimer bientôt dans les terres. De nombreuses fondations cisterciennes sont ainsi fondées à partir de rien durant la première moitié du XIIème siècle …
Le long du Lot on relève de nombreux établissements religieux : Clairac, Roubillon, Le Temple sur Lot, Fongrave, Sainte Liverade, Ribeyrolles, Eysses, La Grâce, Saint Sylvestre, Allemans, Sainte Foy, Monsempron … et le long de la Lémance : Sait Front, Blanquefort, La Sauvetat. Plus à l’intérieur des terres : Saint Sardos, Peyrignac, Cambes, Massels, Masquières … En pays de Serres, la densité religieuse est particulièrement importante, surtout sur les communes de Prayssas, Montpezat ou Dolmeyrac … Ainsi, une promenade dans cette contrée magnifique, qui ressemble à la Toscane, nous permet de rencontrer bien des chapelles aujourd’hui délaissées.
Comme nous avons du temps, nous avons consacré une matinée à visiter ces sites souvent bien cachés. Ce fut d’abord la cité de Clairac, avec son abbaye bien close et son village plein de charme mais où rien ne signale au visiteur la splendeur passée. L’église abbatiale en particulier, conserve bien au chaud et sous clefs ses chapiteaux sculptés.
En revanche, nous avons pu faire le tour de l’église Saint Jean de Balerme en contrebas de l’oppidum de Montpezat, sur la route qui conduit à Villeneuve. Avec ses contreforts puissants de la façade sud, la petite église reste bien close, accrochée à flanc de colline au cœur de son cimetière délicieux, qui contraste avec la rudesse de son aspect extérieur.
La belle surprise, c’est le magnifique portail nord de l’église de Saint-Sardos. Finement ciselé, avec deux groupes de chapiteaux superbes, taillés dans une pierre blonde.
Le plan de l’église à deux nefs juxtaposées est surprenant …
Ce tout petit village représente pourtant un symbole particulièrement important pour ceux qui s’intéressent à l’histoire du moyen-âge. Il faisait en effet partie de l’Agenais, une province que le roi de France Philippe le Hardi avait cédé à Edouard 1er en 1279. Mais c’était aussi un prieuré dépendant de l’abbaye de Sarlat qui revendiquait le privilège de dépendre exclusivement de la couronne de France. La situation devint critique lorsque le roi de France Philippe V s’entendit avec l’abbé de Sarlat pour construire à Saint Sardos une bastide. Edouard II d’Angleterre et le seigneur Bernard Raymond de Montpezat s’y opposèrent. En 1323, Edouard II refusa en outre de venir prêter hommage à Philippe le Bel pour son fief de Guyenne.
Le 16 octobre 1323, au jour fixé pour le lancement des travaux de la bastide, le seigneur de Montpezat mit à sac le chantier, massacra les habitants et fit pendre au poteau porteur des armoiries royales le représentant du roi de France. Malgré les excuses du roi d’Angleterre et le bannissement du seigneur de Montpezat, Charles IV refusa de pardonner l’outrage : il confisqua le fief de son vassal ; ce fut l’un des incidents qui déclencha la Guerre de Cent ans, le conflit majeur du moyen-âge … On a vraiment du mal à imaginer, dans ce cadre immensément calme et bucolique, un tel déferlement de violences entre deux nations souveraines mais viscéralement jalouses de leur honneur et prérogatives féodales.
Nous avons achevé notre périple par la cité perchée de Pujols, surplombant la bastide de Villeneuve, une étape sur le chemin de Saint-Jacques - mais encore à plus de 1100 km du but !