12 avril 2018
Le fabuleux destin du livre de poche ...
Si on vous pose la question – saugrenue, je l’avoue – de savoir quelle est la première maison d’édition française, aurez-vous le réflexe de répondre que c’est Le Livre de Poche ? A l’heure du tout numérique, les lecteurs compulsifs comme moi restent en effet accros à ce format pratique et pas cher qui a révolutionné l’édition française au milieu du XXème siècle.
Le livre de poche représente actuellement 14% en valeur et 24% en volume de l’édition française (pour mémoire, le livre numérique : 6,5%). Et c’est sa grande diversité qui fait son succès. On note toutefois que la part de la littérature classique (60%) y régresse un peu au profit des livres pratiques et des sciences humaines et sociales. Voilà pour les chiffres … mais le livre de poche, c’est toute une histoire !
J’ai découvert avec surprise que les premiers livres de petit format (au début du XIXème siècle) narraient des sujets érotiques susceptibles d’être planqués derrière une brique. Mais l’ancêtre du livre de poche est à rechercher chez Gervais Charpentier qui lança en 1838 sa collection au format 11,5 x 18,3 et au prix de 3,50 F. dans laquelle il publia Balzac, Hugo, Musset …
Suivi par Louis Hachette en 1853 avec sa bibliothèque des Chemins de Fer (l’ancêtre des « romans de gare » ?), Michel Lévy lançant en 1856 les livres à 1 F.
Notre génération n’a pas oublié les jolis livres à couverture cartonnée habillée de blanc de la collection Nelson édités en France dès 1910, ni l’encyclopédique collection des « Que sais-je ? » des PUF à partir de 1941. Pour les polars, c’est la collection « Le Masque » qui ouvre le bal dès 1927 avec « Le meurtre de Roger Ackroyd » d’A. Christie, à l’initiative d’Albert Pigasse.
Mais le démarrage le plus efficace date bien de 1953, à l’initiative d’Henri Filipacchi (le père de Daniel, créateur de « Salut les Copains », « Pour ceux qui aiment le jazz », patron de Presse avec, entre autres Paris-Match …), alors secrétaire général de la librairie Hachette. Associé avec Albin Michel, Calmann-Lévy, Grasset et Gallimard, il va révolutionner le monde bien-pensant de la littérature.
En mettant les techniques modernes de fabrication des livres populaires et du marketing au service de la « grande » littérature (couverture souple illustrée de façon accrocheuse, papier de qualité sommaire, reliure collée, prix modique, présentation des livres en tourniquet donc en libre-service), il va séduire la génération des baby-boomers qui découvrent en masse non seulement les classiques (500 000 lecteurs achètent « Un amour de Swann ») mais aussi des auteurs contemporains.
Le premier ouvrage, « Koenigsmark » de Pierre Benoit, paraît le 9 février 1953 au prix de 2 F. A peine plus cher qu’un quotidien, un peu moins qu’un magazine …. Il a été réédité en 2012 lors de l’anniversaire de la mort de l’auteur et je l’ai découvert à cette occasion … ensuite les parutions furent « Les clés du royaume » de A.J. Cronin, « Vol de Nuit » d’A. de Saint-Exupéry, « Ambre » de Kathleen Winsor, « Tessa, la nymphe au cœur fidèle » d Margareth Kennedy, « La symphonie pastorale » d’A. Gide, « La bête humaine » de Zola, « L’invitation à la valse » de Rosamond Lehman, « Capitaine Conan » de Roger Vercel mais aussi « Les mains sales » de J-P Sartre. Quel éclectisme ! Depuis les grandes oeuvres populaires jusqu’à la modernité scandaleuse en passant par les récits de guerre et les romans à l’eau de rose … une des clés du succès.
Après cette nouveauté dans le domaine de l’édition populaire – qui pourtant suscita des réactions négatives de certains intellectuels qui redoutaient la fin de l’aristocratie des lecteurs, la braderie de la littérature, le fait de vendre le livre comme un objet de consommation courante et non plus réservé à la bourgeoisie – on assista à une floraison de collections au format réduit : J’ai lu en 1958, 10/18 et Presse Pocket en 1962, Points en 1970, Folio en 1972 … En 2015, on comptabilisait depuis l’origine plus de 100 millions d’exemplaires de livres de poche vendus.
Aujourd’hui, dès qu’il me vient l’idée d’acheter un livre, je regarde d’abord s’il n’est pas disponible en poche. Naturellement, ce n’est pas le cas des nouveautés … tant pis, mais je n’ai pas le temps d’attendre. Et vous, que préférez vous ?
Commentaires
livre
Pour ma part, ma collection préférée est celle de poche ; j'en aime l'écriture, le papier, le format (pratique pour ceux comme moi qui aiment lire allongés) qui prend place dans mon sac à main... Parfois il m'est évidemment dur d'attendre mais je me raisonne de plus en plus ayant une pile impressionnante en attente....
Pour ma part, je n aime pas la collection ***Livre de poche***, certains formats poche sont meilleurs surtout au niveau du papier comme Babel & les poches de Zuma
Mais je lis quasiment tout avec la médiathèque où en plus on peut faire des propositions , J'ai peu de place où les ranger donc je privilégie les livres à garder.Je suis comme toi, je regarde d'abord s'il est en livre de poche. Etant abonnée depuis 1983 chez France Loisirs j'ai eu obtenu beaucoup d'ouvrages, de beaux ouvrages pratiquement au prix d'un livre de poche. Cela a été encore le cas la semaine dernière. Bien évidemment, j'ai toujours un livre de poche dans mon sac. J'aime les deux, les ouvrages brochés et les livres de poche. Livres de poche qui m'ont permis de beaucoup lire lors de mon adolescence. Livres que j'ai d'ailleurs gardés.
Je te remercie Marie-Pierre pour cet excellent article et je vous souhaite un bel après-midi à vous deux. BONNE LECTURE !
Amitiés.
Bernadette.Un grand merci pour ce nouvel article si intéressant
Je possède beaucoup de livres de poche, certains datent de mes jeunes années, ce qui veut dire qu'ils ne datent pas d'aujourd'hui et je me suis amusée à en tirer un au hasard dans ma bibliothèque. Je suis tombée sur "La Dame aux camélias" d'Alexandre Dumas fils. Cela se voit tout de suite qu'il est vieux ce livre mais j'adore sa couverture même si elle est un peu cornée. La tranche du livre est colorée en jaune mais elle aurait pu tout aussi bien être rose ou verte. Cette couleur lui donne son petit air rétro. A l'intérieur, sur la page de garde, je découvre mon nom de jeune fille écrit au stylo bille. Nous nous prêtions nos livres entre filles à l'époqueet bien sûr nous cochions les titres que nous avions lus sur la liste classée par auteur qui figurait à la fin du livre. Sous mon nom je reconnais un petit trait de crayon bien familier qui signifie que notre voisine de l'époque, une grand-mère fort sympathique, avait lu ce livre. Ce petit graffiti figure sur presque tous les livres de mes parents et sur les miens aussi. Et chaque fois que j'en vois un, c'est comme un petit clin d’œil qui me rappelle cette vieille dame si gentille, une couturière-brodeuse à la retraite, qui adorait lire. Que de bons souvenirs ! Chacun de nos livres a sa propre histoire en plus d'en raconter une et je crois que nous pourrions parler de ce sujet pendant des heures...
Merci Bigmammy pour cet écrit.
Très intéressant votre blog dont je suis fan.
Longue vie à Bigmammy en ligne.
Bonne continuation.