09 janvier 2019
Le mal de notre siècle : la solitude
Pensez-vous que je demeure indifférente à ce qui se passe autour de nous ? Au contraire, j'en suis infiniment désolée, dévastée, consternée … Mais il faut voir plus loin.
Chateaubriand écrivait : ''On habite avec un cœur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout''. La jeunesse romantique s’enfonçait alors dans la mélancolie …le mal du siècle. Avons-nous beaucoup évolué depuis ?
Le mal de notre siècle, c’est la solitude. Et l’homme n’est pas programmé pour vivre seul. C’est le tribut qu’il paie à son choix pour la liberté. Et ce prix, il a bien du mal à l’assumer.
Je m’explique. En 1968, ma génération a secoué la société corsetée des vainqueurs de la guerre – et des adeptes du Maréchal restés eux aussi dans les circuits. Souvenons-nous que le mouvement du 22 mars avait pour revendication première que les garçons puissent aller dans les chambres des filles … mais aussi qu’il prônait le débat où chacun pouvait s’exprimer – les fameuses assemblées générales.
Un mouvement pour les libertés … Certes. Qu’en reste-il aujourd’hui : l’individualisme forcené et le refus de l’engagement : les syndicats ne réunissent plus que 8% des salariés, les partis politiques se sont effondrés faute de militants, les électeurs désertent les urnes, les couples se forment et se dissocient au gré de nouvelles foucades. Parmi les plus en risque, combien de mamans élevant seules leurs enfants ? Combien de SDF après une rupture conjugale ?
Au moment où des ressources technologiques inouïes sont à la disposition de chacun – ou presque – les enfants ne jouent plus aux gendarmes et aux voleurs au pied des immeubles - ils risquent de déranger le petit commerce local – mais jouent à Fortnite. Observez un wagon de métro à l’heure de l’embauche : un silence étonnant, tous les voyageurs tapotent sur leur portable une partie de Candy Crush … Les hommes ne se retrouvent plus au café pour y délivrer leurs brèves de comptoir puisque les petits cafés des villages ont fermé leurs portes, les femmes ont déserté la messe. Il n’y a plus que la téléréalité et le foot pour rassembler les Français … et, depuis peu, les ronds-points !
Car la finalité de ces nouvelles convivialités est de renouer du lien social. Personne ne se soucie cependant de ceux qui sont vraiment pauvres. Ceux qui n’ont ni abri pour dormir, ni famille pour les soutenir, ni travail pour se sentir dignes : ceux-là restent invisibles. Non, ces hommes et ces femmes qui manifestent leur détresse en casaque fluorescente ont généralement un job, une maison, une voiture, des enfants … Mais ils se sentent méprisés.
Par ceux qui savent des choses qu’ils ignorent. Les « nobles » arrogants d’aujourd’hui qu’ils décapitent symboliquement. Le savoir, donc la position sociale qui va avec et la capacité de finir le mois en positif, devient source d’exécration. Les institutions sont à jeter au feu puisqu’elles ont été créées pour asservir et non servir le peuple … Autant les abattre, qu’ont-ils à y perdre ? Par quoi les remplacer ? C’est une autre affaire.
Comment sortir de cette cruelle impasse, revenir sur quarante ans d’immobilisme politique qui ont conduit notre pays, de renoncement en renoncement devant les réformes douloureuses nécessaires mais impopulaires par nature ? Et en premier lieu, la remise à plat intégrale de notre fouillis fiscal inextricable ? Oui, le système actuel est injuste et la charge d'une dépense publique mal employée, trop mal répartie. Trop d’impôts indirects, qui frappent indistinctement et donc plus durement les plus modestes, oui, il faut sans doute plus encore de progressivité pour atteindre les plus hauts revenus, sans doute faut-il revoir le mode de calcul des droits de succession, mais il faut aussi mutualiser davantage l’indemnisation du chômage, rendre enfin équitable et universel le mode de calcul des retraites, assurer un logement décent pour tous …
Qui imagine que ce programme puisse être réalisé en un tour de main ? A qui faire confiance pour le mener à bien ?
En attendant, le mouvement social qui nous secoue les plumes a au moins le mérite de mettre en lumière des souffrances autant économiques que morales jusqu’ici largement occultées. Il fait naître autour des ronds-points de nouvelles relations fraternelles, bien plus chaleureuses que celles d’un échange sous pseudonyme, à travers un écran …
Je termine par cette réplique d'Octave dans "La Règle du jeu" de Jean Renoir : "Ce qui est terrible sur cette terre, c'est que tout le monde a ses raisons." Alors, un seul mot d'ordre : Restons positifs !
Commentaires
Poncifs surannés
Comment peut on aligner de tels clichés ! tous les enfants ne jouent pas à Candy crush beaucoup font du sport ! et désolée mais dans les années 60 les immeubles HLM ont poussé comme des champignons et à l'époque les enfants ne jouaient pas plus au foot puisqu'ils n'avaient pas d'endroits pour jouer .. maintenant ils vont dans des stades ! Je n'ai connu aucun homme ayant une bonne situation allait discuter au bistro ! mon père n'y a jamais mis les pieds ! la messe .. on y allait enfants par obligation .. et cela continue jusqu'à la communion .. pour les cadeaux ! etc ... cessez de vous morfondre sur le passé le présent est mille fois mieux ! franchement j'ai connu jeune les années 60/70 ... horreur .. drogues, voyou, insécurité maximum, liberté sexuelle où les femmes se sont perdues malgré elles, révolution, peur guerre russes usa etc etc ...
Je partage tout à fait votre analyse. Je regrette que seules certaines voix sont portées haut et fort; accompagnées de violences elles portent plus loin...
Et les autres voix comment pourraient-elles se faire entendre à part les urnes? Je suis persuadée qu'il y en a beaucoup, probablement plus nombreuses que celles des ronds-points et des manifestations...