Le Schmock, roman de Franz-Olivier Giesbert
Franz-Olivier Giesbert n’en finit pas de raconter son histoire familiale, et ici d'évoquer la destinée juive … Et naturellement, il tente à son tour de répondre à la question lancinante :
« Malgré toutes mes lectures sur la période hitlérienne, je n’ai jamais réussi à comprendre pourquoi tant d’Allemands "bien", respectables, avaient pris à la légère la montée du nazisme tandis que les Juifs tardaient étrangement à fuir. Par quelle aberration, à cause de quelles complaisances, quelles lâchetés, le nazisme fut-il possible ? Qu’était-il arrivé à ce grand pays de musiciens, de philosophes et de poètes ? »
Et moi aussi, je me demande comment une telle civilisation, une telle culture fondée sur la raison, à la source du romantisme, si amoureuse des arts a pu enfanter un tel monstre. Et c’est là l’intérêt de ce livre qui retrace, avec beaucoup d’humour (juif, of course !), les étapes de l’ascension si résistible du nazisme.
Comment les élites ont minimisé, négligé, méprisé l’influence de cet homme de rien (en allemand : ein Taugenichts), sans talent si ce n’est oratoire, qui a séduit jusqu’au fanatisme un peuple raisonnable, cultivé, discipliné ...
Bien entendu, il faut tenir compte de la situation catastrophique dans laquelle l’Allemagne de Weimar s’est trouvée au lendemain de la défaite, puis des effets de la crise de 1929 … Mais surtout, le problème majeur est l’emprise de l’antisémitisme, latent, généralement admis, cousin de la haine des élites, qu’Hitler a sublimé jusqu'au massacre, affirmant que le seul responsable des malheurs de l’Allemagne était la communauté juive.
A travers la saga de deux familles très amies, l’une juive et l’autre seulement un peu, on comprend comment les Allemands cultivés et influents mais coupés du peuple n’ont pas soupçonné l’influence mortifère de cette clique de dingues. Avec le discours sous-jacent que ce type de non-réaction pourrait très bien se reproduire dans la France d’aujourd’hui : on considère que le leader du mouvement est trop nul, que même s’il parvient au pouvoir, son programme est irréaliste, que cela capoterait en quelques mois … avec la conclusion que d’ici peu, la communauté juive pourrait à nouveau subir une vague de répression.
C’est un roman tellement invraisemblable qu’il pourrait être fondé sur des éléments réels. Un livre qui ne m’a rien appris sur l’histoire de l’Allemagne de l’entre-deux guerres puis du Troisième Reich que je ne cesse d'étudier depuis plus de cinquante ans, mais qui pourrait en apprendre beaucoup aux jeunes générations qui ne s’imaginent même pas les horreurs du nazisme.
Le Schmock, roman de franz-Olivier Giebert, chez Gallimard, 400 p., 21,50€