La collection Alana, chefs-d'oeuvre de la peinture italienne
Je parlais récemment de collectionneurs mécènes … Il s’agit souvent de couples qui ont investi une partie de leur fortune en œuvres d’art et en font profiter le public. Le musée de Nélie Jacquemart et Edouard André accueille en ce moment soixante-quinze chefs-d’œuvre de la peinture italienne, une partie de la collection réunie par Alvaro Saieh et son épouse Ana Guzman.
Ce magnat péruvien d’origine palestinienne et libanaise né en 1949 - économiste, businessmann, banquier - est à la tête d’une immense fortune dans son pays et a rassemblé un extraordinaire ensemble de peintures – ici, la sélection confiée au musée parisien couvre la période allant du XIIIème siècle au tout début du XVIIème siècle.
Du gothique à la Renaissance, une orgie de saints et de madones, panneaux d’une fraîcheur infinie, les premiers encore marqués par l’influence byzantine, les ors, les détails, les paysages des fonds, puis l’explosion de la Renaissance à la manière des ateliers de Boticelli, Verocchio, Bellini, des grands formats comme des miniatures.
Chez ce grand capitaine d’industrie, les tableaux sont accrochés comme jadis dans les galeries des souverains ou les salons de jadis : à touche-touche. L’effet est saisissant dans la première salle …
On s’arrête devant un Tondo : ces madones inscrites dans un cadre rond et fleuri, fréquemment offertes à l’occasion d’un mariage … et puis ensuite, on reprend l’ordre chronologique et l’évolution des styles.
L’extraordinaire déambulation entre ces œuvres superbes interpelle : comment l’art pictural s’est transformé radicalement dans un laps de temps aussi court – environ 40 ans – et sur un terroir aussi restreint : la Toscane ?
J’ai beaucoup aimé ce petit tableau peint vers 1230 cloisonné comme une bande dessinée (Huit scènes de la vie du Christ), le Christ soutenu par deux anges de Carpaccio, la sublime annonciation de Lorenzo Monaco, la petite terre cuite colorée de Luca della Robbia, le Saint-Jean l’Evangéliste de Filippo Lippi et sa figure préoccupée (il pense sans doute à l’Apocalypse !), la petite Vierge à l’enfant de Paolo Uccello, si loin de la « Bataille de San Romano ».
Naturellement, nous n’avons plus toujours les codes pour attribuer chaque figure puisque nous avons, au fil des temps, perdu la notion des symboles …
Cependant, Sainte Catherine est toujours représentée avec la roue, Sainte Apolline avec la pince qui va lui arracher les dents, Sainte Agathe presse sur son buste les linges ensanglantés …
Il y a là un beau portrait de Cosme de Medicis, quelques toiles de Georgio Vasari – qui fut sans doute meilleur mémorialiste que peintre – on glisse vers la belle « manière moderne » illustrée par le « Salvator Mundi » de Bronzino, et les tableaux de Orazio Gentileschi, père de la divine Artémisia, absente de cette sélection …
En quelques salles, voici une occasion unique de parcourir toute l’évolution de l’art pictural italien depuis l’art gothique jusqu’au réalisme baroque. Une exposition enthousiasmante qui laisse plein d’étoiles dans la tête.
La collection Alana au musée Jacquemart-André, jusqu’au 20 janvier – 158 boulevard Haussmann – ouvert tous les jours à partir de 10 h. 14,50€