Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Bigmammy en ligne
Bigmammy en ligne
Bigmammy en ligne

Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
Voir le profil de Bigmammy sur le portail Canalblog

Newsletter
Archives
Derniers commentaires
11 décembre 2019

La Voie royale (1930), roman d'André Malraux

Malraux Voie

Que faire lorsqu’on se retrouve un soir, juste avant d’aller dormir, en panne de lecture ?

Plonger dans la bibliothèque familiale et donc « officielle », celle qui aligne les éditions « de luxe » et les collections d’œuvres complètes que je constituais il y a plus de quarante ans en me disant que j’aurai enfin le loisir de les lire une fois à la retraite. Eh bien, le moment est venu !

Ainsi suis-je tombée sur les écrits d’André Malraux (1901 – 1976) … et ce roman publié en 1930 qui reçut le premier prix Interallié. Malraux ? Je me souviens de sa prose haletante devant le cercueil de Jean Moulin, de son amitié avec le Général De Gaulle, du film « L’Espoir » bricolé pendant la guerre d’Espagne et projeté au ciné-club de mon lycée dans les années soixante … et ce court roman d’aventures qui m’avait impressionnée quand je n’avais pas 18 ans et dont je ne me souvenais plus du tout.

Quel talent ! Quelle écriture ciselée, aussi poétique qu’évocatrice chez un homme de moins de 30 ans, quelle fulgurance des descriptions de la nature vorace, quelle description de la déréliction des aventuriers perdus au milieu des lianes enserrant les pierres sculptées d’une civilisation disparue, des peuples insoumis mais habiles à combattre avec des moyens invisibles – et on songe naturellement au sort des GI’s au Viet-Nam des décennies plus tard.

Malraux espagne

André Malraux, autodidacte, borderline, antifasciste, anticolonialiste (pas évident à cette époque), condamné pour trafic d’œuvres d’art puis relaxé, réformé pour raison de santé mais engagé dans des combats et plusieurs fois blessé, raconteur d’histoires, patron d’escadrille alors qu’il n’a jamais piloté d’avion …

La Voie Royale est un roman existentialiste selon les spécialistes de la littérature, parce que l’élément central en est la mort : rien ne peut justifier la fin d’une existence humaine.

C'est aussi un roman autobiographique. Le personnage de Claude Vannec, jeune archéologue tenté par le trafic de sculptures Khmères - à la fois pour les arracher à la jungle et les faire connaître aux musées européens mais aussi pour les revendre avec profit à des collectionneurs - présente bien des points communs avec l’auteur : une enfance heurtée entre mère et grand-mère, un grand-père armateur dunkerquois enterré debout comme un vieux Viking avec son cheval …

 

Bantéa Srei

L’autre personnage est Perken, un vieux baroudeur danois, dont l’objectif est de retrouver un autre aventurier perdu dans la forêt tropicale et de se tailler un royaume au cœur d’une région isolée insoumise en pleine bagarre entre les Moïs et les Stiengs (j’imagine Mads Mikkelsen dans le rôle). Pendant ce temps, l’administration coloniale, attentive à la progression de la construction du chemin de fer, s’applique à entraver la mission culturelle auto-proclamée de Claude … La rencontre entre ces deux anticonformistes se fait sur le bateau qui les conduit via le canal de Suez vers Saïgon … lente et poisseuse navigation ...

Le danger est omniprésent : peu de moyens de communication, pas d’antibiotiques et la moindre blessure peut être mortelle, l’insécurité, la résistance contre le colonisateur … et surtout, la nature toute puissante qui envahit les civilisations enfouies, sature l’espace, grouille littéralement d’insectes géants et de larves. Et il y a la fascination réciproque du jeune idéaliste et du vieil érotomane roublard et intrépide devant sa mort annoncée.

Bien entendu, l’histoire est terriblement datée, mais la relation entre les deux protagonistes, complètement contemporaine, le sentiment de l’absurdité de la vie en effet tellement actuel …

 

La Voie Royale, roman d’André Malraux (1930) édité chez Grasset puis Gallimard. En livre de poche, 192 p., 6,30€

Commentaires
Pages
Visiteurs
Hier 799
Depuis la création 7 285 008