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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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8 janvier 2020

Affaire terminée, j'arrive - Chapitre 2

Lucie et Jean

 

 Chapitre 2 : Lucie plante le décor

 

C'est à présent Lucie qui prend le relais et raconte son côté de l'histoire, en commençant par l'origine du nom de sa maison de Rocheville, là où j’ai passé toutes mes vacances d’enfant et de jeune femme.

Lucie : Pourquoi les Récucaï ? C'est nous qui avons baptisé cette maison ainsi, en souvenir du surnom de la famille de ma mère. Dans le pays, au Piémont, il y avait alors beaucoup de familles qui portaient le même nom. A ce moment-là, il n'y avait pas de transports, les gens ne s'expatriaient pas encore, mais se mariaient entre eux. Chaque famille portait donc un surnom, pour se différencier. Celui de mes parents, qui étaient tous de petite taille, c'était les Récucaï, c'est à dire les roitelets ou encore oiseaux mouches. Ceux-là, disait-on de mes grands-parents, ce sont les Récucaï-Barbassa, parce qu'ils habitaient à la ville, c’est à dire au village l'hiver, lorsqu'il y avait de la neige et conduisaient les vaches l'été à la montagne, c'est à dire à Barbassa.

Cela se passait à Valgrana, au nord-ouest de Cuneo. La famille de ma mère comptait treize enfants. Bien entendu, ces enfants, on ne les envoyait pas à l'école, ils devaient garder les vaches.

A ma mère, à laquelle nous disions « vous », nous demandions : - Pourquoi vous ne savez pas lire ?

Elle répondait : - Moi, je suis allée trois mois à l’école, et encore parce qu’il y a avait tant de neige que l’on ne pouvait pas nous demander de faire autre chose. Lorsqu’il n’y avait pas trop de neige et qu’on pouvait marcher, il fallait soigner les vaches !

Dans ces temps-là, les paysans possédaient beaucoup de terres, mais pas d'argent, et on se servait des enfants comme domestiques. Ainsi étaient-ils treize, sans compter les orphelins que l'on prenait en pension.

Je me souviens de ma mère nous disant, très longtemps plus tard : - Vous avez de la chance, tiens, de boire du café, parce que chez nous, le café, on n'en donnait qu'aux vaches quand elles étaient malades, mais nous, on n’en avait jamais.

Ici en France, nous buvions du café. Pour nous quatre, ma mère prenait un demi-litre de lait pour le déjeuner du matin. Avec plus de chicorée que de café, mais qu'importe, et du pain ... Que c'était bon !

A partir de l’âge de dix-douze ans, ils partaient donc en France, à pied et en fraude. Il était interdit de traverser la frontière, et ils n'avaient pas de passeports. Surtout l'hiver, ils venaient se louer dans les campagnes, pour ramasser les olives. Un peu d'eau, une tomate, un peu d'huile, ils vivaient de peu. Ils se faisaient payer en or, des "méringuins", gros louis à l’effigie de Napoléon III. A la fin de la saison, ils repartaient au Piémont avec deux ou trois pièces d’or.

Quand elle eut atteint douze ou treize ans, ma mère s'est placée comme bonne. Elle retournait bien un peu de temps en temps chez ses parents, mais en fait, rien ne l'attachait au Piémont. En effet, les filles n’héritaient rien du patrimoine familial. Quand mes grands-­parents sont morts, ce sont mes deux oncles qui ont hérité. Les filles n'ont eu droit qu'à la septième part des garçons. Les filles ne comptaient pas.

 Josépha (Giuseppina) BORSOTTO ma mère, née à Valgrana le 6 décembre 1876, s'est donc placée comme domestique. A l'époque, on ne les payait presque rien. Cela devait donc se passer aux alentours de 1890.  Mon père, Augustin PELLEGRINO, était né le 27 janvier 1871, dans le village voisin de Bovès.

Ici, c'est moi, Marie-Pierre, qui reprend la parole : Lorsque ma grand-mère Guiseppina (qui francisa son nom plus tard en Josèpha) se maria, elle n'épousa pas Augustin par amour, car son coeur était pris ailleurs. Augustin avait épousé une de ses soeurs et une petite fille était déjà née de cette union. Puis, la jeune mère décéda en couches. Pour que les petites orphelines ne soient pas élevées par une marâtre, Marianna Michelotto la grand-mère, insista et contraint Guiseppina à épouser son beau-frère veuf. Et peu de temps après, les enfants moururent .... Sur une photographie retrouvée dans l'album de famille d'Henriette, la sœur aînée de ma mère, prise sans doute à l'occasion du remariage d’Augustin, on voit l'enthousiasme de la mariée ... A noter également, le tissu placé sous les pieds des paysans afin qu'ils ne laissent pas de boue sur le sol du studio du photographe....

Ma mère avait une cousine, avec qui elle avait été élevée, et qui s'appelait Marguerite. Celle-ci s'était mariée avec un Français nommé Péan. Ils n'avaient pas pu avoir d'enfant. Lui était sacristain dans une église. Plutôt sacristain de derrière l'église, car il était surtout là pour en profiter. Il ne devait certainement croire ni à Dieu ni à diable, étant donné sa rapacité.

Marguerite avait dit à son mari : - Si jamais je meurs avant toi, tu devrais aller voir ma cousine Josèpha à Cannes, et lui vendre tout ce que nous avons.

Ils étaient alors propriétaires du Chalet Marguerite, un taudis situé rue de l’horloge au Four à Chaux, et puis cette « campagne », dans ce quartier que l'on appelait autrefois le quartier de Cougoussoles, sur laquelle mon père allait pouvoir construire une maison. Un jour donc ma mère voit arriver cet homme, tout petit, les cheveux tout blancs, avec une espèce de petite moustache blanche. Il se rappelle à elle, commence à lui raconter, évoquer le passé ...

- Votre cousine, maintenant, elle est morte. Si vous vouliez, je pourrais vous vendre ce que j'ai, au Four-à-Chaux, à fonds perdus.

Cela s'appelait comme ça. En fait il lui proposait un viager.

Ma mère réfléchissait. Évidemment, cela leur ferait une belle campagne. Mon père n'était pas tellement chaud. Mais ils firent tout de même l'affaire. Ils avaient pris les dispositions suivantes : mes parents achetaient donc la campagne, et, pour le prix convenu, ils gardaient Péan sa vie durant en pension. Ou alors, s'ils ne s'entendaient pas, ils lui donneraient cent francs par mois.

Cette campagne, pour nous, c'était magnifique, et en plus il y avait la petite maison de la rue de l'Horloge. Péan s'installe donc chez mes parents. Lui avait gardé la jouissance de la maison où habita plus tard ma sœur Félicie. Et il avait fait stipuler dans l'acte :

« Je vends à M. et Mme. PELLEGRINO cette propriété mais je me réserve la jouissance de cette maison, qui est construite sur l'aire, et de tout ce qui pourrait être construit sur l'aire. »

Il s'agissait de l'emplacement où il avait été coutume de battre le blé, mais il y avait bien longtemps que ce type de culture n'était plus en usage sur la propriété et à ses alentours.

Péan s'installe donc auprès de mes parents. Il allait travailler, sacristain le jour, et la nuit comme veilleur dans une banque. Cela a duré ainsi quelques temps. Il fallait le servir. ... Et puis mon père devînt un peu jaloux. Comme si ma mère, avec quatre enfants, le soin du ménage, les embêtements, avait encore le temps pour penser à ces choses-là. Et un jour, comme Péan devenait plus ou moins envahissant, cela n’a plus marché. Finalement, il partit s’installer ailleurs. Entre-temps, tandis qu’il habitait encore chez eux, il les avait persuadés de faire agrandir la maison …..

- Vous devriez faire construire, moi je garderais les deux petites chambres et vous feriez construire deux pièces supplémentaires pour vous, ce qui serait plus confortable que là, dans la « vieille masure », ainsi qu’on appelait les deux pièces superposées où ils étaient installés. Cela n’enchantait pas ma mère…mais papa, lui, rêvait…..

- Ecoute, si tu veux, je vais faire venir mon frère d’Italie. Il est maçon. Tu vas voir, cela ne nous coûtera pas grand-chose, et toi, tu auras enfin une salle-à-manger…

Pour maman, la salle-à-manger, c’était ce dont elle avait le plus envie. On n’en avait jamais eu, ni bien entendu de salle de bains, on ignorait que cela existait ! Ma mère disait toujours :

- Nous autres, on est d’une race qu’il ne faut jamais se baigner, car sinon, on tombe malade ! Alors, mon père revenait à la charge, disant :

- Tu devais vendre le terrain qu’on a acheté à Cannes…

Lorsque mon père avait acheté le terrain où ils avaient fait construire la maison du boulevard Delaup, ils étaient à l’époque encore de nationalité italienne. Moi, j’avais six mois. Il est donc allé signer tout seul… et le terrain fut mis au nom de Monsieur Pellegrino….. Cela tracassait ma mère, parce qu'ils étaient mariés selon le régime italien, où l'homme a tous les droits et la femme aucun. S'il lui venait la fantaisie de la chasser, alors que le peu d’argent qui rentrait à la maison, c'était mon père qui le gagnait, certes, mais c'était ma mère qui le suait, elle se retrouverait complètement démunie. En plus de son travail, celui d'élever quatre enfants, elle allait laver chez des particuliers et prenait des lessives chez elle. Enfin, c'est facile, elle travaillait comme une malheureuse. A tel point que, pour faire construire cette maison du Boulevard Delaup, ils avaient négocié un délai de paiement de cinq ans, mais qu'en trois ans, ils avaient déjà fini de payer.

Mon père se plaignait sans cesse :

- Qu'est-ce qu'on s'est pris comme dettes, je redoute que jamais nous ne puissions payer ! - Ne te fais pas de soucis, on paiera, répondait ma mère.

Alors, un jour qu’il s'était trouvé de l'autre côté de la maison un terrain à vendre, et comme elle rouspétait tout le temps en disant qu'elle n'avait rien, que le terrain et leur maison étaient à lui, etc ...

- Eh bien ce terrain, on va l'acheter, et on va le mettre à ton nom, dit mon père.

Comme ça, elle ne risquait plus de se trouver sans rien. Et c'était ce terrain, le seul bien qui était à elle, qu'il lui proposait de vendre à présent, pour, avec les sous, faire construire deux pièces supplémentaires au Four-à-Chaux. Une salle-à-manger et une chambre, comme il y avait déjà une cuisine, cela allait faire quelque chose de très bien ..... Bien entendu, Péan les poussait à la chose : - Mais oui, il faut construire, faites, faites ....

Il parlait bien, mes parents étant piémontais, ne connaissaient pas bien le français et encore moins les lois, ils étaient presque illettrés. Ma mère l'était totalement, mon père n’avait pas le temps de lire et d’ailleurs il lisait difficilement.

Mon père fit donc venir son frère d'Italie. Et nous étions repartis habiter au Four-à-Chaux.

Tous les soirs, je dis bien tous les soirs, ils étaient saouls. La maison ne se construisait pas. Le terrain avait été vendu, pour rien. Enfin, ils ont mis tout un hiver pour construire ces deux pièces qui n'ont jamais été finies, on en voyait encore toutes les briques trente années plus tard, le crépi n’ayant jamais été posé ... Ils sont arrivés tout juste à payer ça. Tous les soirs, il y avait de quoi attraper le « coquin de sort ». J'ai vu de ces scènes, des disputes terribles. Un jour, j'ai vu ma mère en colère ...

Le frère était reparti en Italie. Avant qu'il ne vienne, mon père avait promis : - Tu vas voir, quand mon frère viendra, il apportera un sac de noix…

- Oui, ton frère, qui devait venir avec un sac de noix, il est venu avec un sac de poux ! Il n'avait rien, ton frère, et il m'a mangé la laine sur le dos. On n'a même pas fini le travail, et on a vendu mon terrain, disait Maman. Une fois que cela eut été fini, Monsieur Péan les a assignés au tribunal, en réclamant pour son usage personnel tout ce qui avait été construit sur l'aire ... Bien entendu, mes parents vinrent voir un avocat qui les poussa à résister :

- Vous gagnerez, vous gagnerez ...

 Si seulement ils avaient lu leur acte ! Ils sont allés au Tribunal, ils ont perdu. Ils sont allés en appel, ils ont perdu. Cela leur a coûté les yeux de la tête et cela leur a surtout coûté des disputes épouvantables. C'est là où j'ai vu ma mère prendre un soir une lampe et menacer mon père de la lui lancer à la tête.

- Oui, parce que ce terrain, qui m’appartenait, tu me l’as fait vendre….. Parce que ce terrain en plein Cannes, qu'ils avaient cédé pour presque rien en 1925, au moment de la grande spéculation, s'est vendu ultérieurement quatre à cinq fois, et chaque fois, il faisait la culbute, et il se trouvait toujours une bonne âme pour en informer ma mère.

Finalement, ils ont été obligés d'abandonner ces deux pièces inachevées et inhabitables, donc la salle-à-manger, et se sont réinstallés dans leur appartement de Cannes, Boulevard Delaup. Les deux pièces, Péan les a louées, pour faire de l'argent, tandis que mes parents lui payaient toujours les cent francs par mois de pension convenus au départ.

Mes parents avaient gardé au Four-à-Chaux ce que l'on appelait « la vieille masure », là où ils avaient logé avant l’extension de la maison partiellement « construite sur l’aire ». Au rez-de-chaussée, ils avaient installé une étable, parce que tous les ans, ils y tenaient une vache. Quand la vache avait fini de vêler et qu'elle n'avait plus de lait, on l'emmenait à la foire.

On allait la vendre au marché de Pégomas. Une année, la vache avait les cornes des pieds qui avaient tellement poussé qu'on aurait dit des sabots comme des chaussures à la turque. Pauvre bête, elle ne pouvait même pas marcher sans se blesser. Une fois qu'on avait vendu la vache, sur le champ de foire, on allait au restaurant. Cela je m'en souviens tout particulièrement, car immanquablement, on mangeait des tripes, et non moins immanquablement sur le chemin du retour, ma mère les rendait. Parce qu'elle n'avait pas de dents. Elle n'avait jamais pu se payer le dentiste, et elle ne pouvait pas les mâcher.

Elle commençait par se plaindre : - Ahhh ! J'ai la migraine, j'ai la migraine !! Et hop ! On s'arrêtait sur le bord de la route et on attendait qu'elle se soulage. Les tripes devaient être tellement bonnes que chaque fois, elle oubliait. Et moi, il me semblait que le chemin n'en finissait pas. Pour une petite de huit ou dix ans, de Cannes à Pégomas, ce n'est pas rien, à pied.

Mon père disait toujours : - Ah, l'année prochaine, on rachète une vache ! - Ah, eh bien, non, alors ! répondait maman ...

Un jour, à la place de la vache, on a acheté deux chèvres. Mais ces garces ne pouvaient supporter ma mère. Dès que celle-ci entrait dans le champ où elles étaient parquées, elles lui sautaient dessus. On les a revendues pour racheter une vache.

On avait une nouvelle fois quitté le boulevard Delaup pour s’installer au Four-à-chaux. Car chaque fois qu'un locataire quittait l’appartement du Boulevard Delaup, ma mère déclarait qu'elle voulait retourner habiter à Cannes : - Je ne me fais pas au Four-à-Chaux ....

On prenait un charreton, on y plaçait les lits et les matelas, et on déménageait. On trouvait un nouveau locataire pour la maison que l'on abandonnait. .. Et chaque fois que celui-ci s'en allait, on remettait les hardes sur le charreton, et on déménageait de nouveau.

Donc, dans la vieille masure, au-dessous était l'étable et la cuisine, et en haut l’unique chambre. Le soir, bien entendu, je m'endormais dans l'étable. On y avait placé un lit et il y faisait chaud. Dans le milieu de la nuit, je me réveillais et j'avais peur, vite, vite, je montais me coucher en haut, à côté de mes parents, en passant par l’unique escalier extérieur.

Je me souviens encore de mon jupon de communiante, tout en dentelle.

Il avait été lavé et mis à sécher sur un fil tendu dans l'étable. Cette garce de vache me l'a mangé. Pour une fois que j'avais quelque chose qui me plaisait, même si certainement on me l'avait donné comme le reste. Je la revois ruminant : quand je suis arrivée, elle avait encore des morceaux de dentelle qui lui pendaient, comme une fleur, de chaque côté de la bouche ... Jamais plus je n'ai jamais possédé un tel jupon de dentelle ...

 

C'est comme les souliers : je portais toujours des chaussures qu'on me donnait. C'étaient le plus souvent des souliers de femme dont on coupait les talons. Cela me faisait des talons plats, mais le devant rebiquait. Quand, exceptionnellement, on m'en achetait des neufs, c'étaient des chaussures montantes, ou des galoches, qui faisaient un bruit terrible lorsque je marchais. On me les achetait au moins pour trois ans. D'abord on y mettait au bout beaucoup de coton, après un peu moins, puis plus du tout parce que le pied allait enfin mais elles étaient déjà usées, puis je n'avais plus besoin de coton et plus de place, et je marchais avec les orteils tout recroquevillés .... Jamais je n'ai eu quelque chose de neuf. Si, une fois, c'était une robe rouge. On avait fait cadeau à ma mère d'une pièce de tissu, de la panne rouge. C'était joli, neuf. Ma mère avait dit à la couturière : - Surtout, surtout, faites-la lui longue !

Déjà j'avais la robe au milieu du mollet alors que mes camarades d'école les portaient au genou, ensuite j'avais les nattes, toujours les nattes quand mes amies avaient déjà les cheveux coupés.

Pour en revenir à cette robe, il y a eu un moment où la longueur était bonne, mais j'étais plus que juste au niveau des épaules. Si je voulais gonfler la poitrine, j'étais terriblement serrée.

Et puis elle était d'un solide ! ... J'y pissais dessus, je ne parvenais pas même à la décolorer ! On m'avait dit que la "serena", le clair de lune, l'humidité de la nuit, était redoutable pour les coloris. Deux ou trois fois, j'ai laissé la robe dehors, mais peine perdue, elle gardait sa couleur ! Jamais je n'ai vu un tissu aussi solide.

Et quand je pense que de mes trois sœurs, c'est moi qui aurais eu la plus belle jeunesse, qu'est-ce que cela devait être pour elles !

Pour Henriette, ma sœur aînée, on l'a placée quand elle avait onze ans. Chez les Rodocanacchi, qui possédaient le Château Gothique à Cannes. Ils étaient propriétaires de la fabrique de chocolats Lesdiguières, de Grenoble. C'était une famille extrêmement riche, d'origine grecque. Il paraît pourtant qu'ils ne lui faisaient manger tous les jours que des pâtes bouillies à l'eau, sans fromage et sans beurre. Chez nous, on n'était pas bien lotis au point de vue vestimentaire, certes, mais au point de vue nourriture, nous étions heureux. On avait tout ce qui nous fallait.

Ma mère achetait peu de viande, enfin, une fois par semaine. Le samedi, on avait la daube. Le dimanche, avec la daube qui restait, elle confectionnait les raviolis, et le bouillon le dimanche soir. Elle achetait le fromage par kilos. Comme les paysans, le petit salé, le lard, par kilos. On mangeait par exemple la soupe et un morceau de fromage, ou un petit morceau de fromage et un gros morceau de pain.

- Mange du pain, mange du pain, entendait-on sans cesse à table.

Aujourd'hui, c'est le contraire : - Ne mange pas de pain, ça fait grossir !

Les Noëls, on recevait une orange, et au pied du lit, des bonbons, c'est tout. On attendait pourtant ça avec impatience. Le plus beau Noël que j'aie eu, c'est peut-être le seul d'ailleurs, ma sœur Félicie était placée comme bonne et elle m'avait acheté une boîte de peinture. Jamais je n'avais eu un si beau Noël. Sinon, une orange. Et la plupart du temps, elle était aigre.

A l'époque, on achetait les fruits à la pièce. Les dattes, par exemple. J'aurais fait les pieds au mur pour en avoir. Au marché, je voyais des marchands qui en vendaient, des dattes, des bananes. J'ai dû attendre d'être mariée pour savoir le gout d'une banane. Et pourtant nous n'étions pas malheureux.

Sauf peut-être lorsqu’il fallait « aller à la fleur ».

 

(A suivre )

Commentaires
A
merci à faire lire a nos enfants et petits enfants tout n'a pas toujours été si simple !
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N
Histoire émouvante. Période à ne pas regretter. Maintenant les enfants sont gâtés...
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Y
Merci pour ce chapitre.<br /> <br /> J'étais émue en lisant l'histoire de votre famille...<br /> <br /> J'avais les larmes aux yeux.<br /> <br /> Soyez prudente et prenez soin de vous.<br /> <br /> Je vous souhaite beaucoup de bonheur, vous le méritez.<br /> <br /> Bonne continuation.
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J
Je me régale ..?
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