Souvenirs de confinement
C’est dans des jours de crise aiguë qu’on apprécie la plus chère de nos libertés : celle d’aller et de venir, quand on veut, où on veut, et de rester à la maison uniquement si on veut.
Et me viennent des réminiscences. Car si je supporte assez bien ce confinement c’est que je l’ai déjà subi. Mon année 1968 fut rude en effet … même si je n'étais pas sur les barricades.
Jeune mariée depuis octobre, je tombe malade en février avec une forte toux, de la fièvre, une fatigue colossale. Je viens de trouver un emploi qui me plaît, je pense à une simple grippe … Des analyses demandées par un vieux médecin scrupuleux révèlent tout autre chose : la tuberculose, et violente. Mon père, plein d’humour, déclare à mon mari : « Elle est encore sous garantie, on la reprend », et c’est ainsi que j’ai réintégré ma chambre de jeune fille et un confinement général est décrété pour toute ma famille.
Analyses approfondies de Claude et de mes parents. Personne, dans la famille n’a été vacciné au BCG. On nous l’avait proposé, mais soit par défiance, soit par négligence, nous n’avions pas reçu ce vaccin. A l’âge de seize ans, j’avais – au sens propre – viré ma cuti. Mon infection résurgente devait sans doute provenir d’une grande fatigue due à mon entrée dans la vie active ou à la rencontre avec un bacille de Koch très virulent …
Je suis donc confinée dans ma chambre, couchée la plus grande partie de la journée, mes parents empêchés de rencontrer ma sœur aînée, enceinte de son troisième fils aussi longtemps que le BK est encore présents dans mes poumons.
C’est ainsi que j’ai vécu mai 68 : l’arrêt de bien des services publics, mon père courant à travers Paris pour trouver une pharmacie en capacité de lui fournir les médicaments nécessaires (les flacons de P.A.S.), la visite quotidienne de l’infirmière qui vient poser la perfusion, mon père se levant à l’aurore pour offrir du café chaud aux militaires qui assuraient le service des poubelles pendant la grève générale … et enfin les derniers examens négatifs et la première sortie au mois de juin : c’était le premier jour où les stations-service étaient à nouveau approvisionnées, on voyait des files interminables de voitures …
Avec l’âge, je supporte moins bien les contraintes, d’autant plus que je ne suis pas malade, mais je les comprends. Les nouveautés technologiques nous y aident grandement, l’isolement est rompu par les appels de nos proches, les informations en continu – mais elles sont aussi terriblement anxiogènes, la tenue quotidienne de ce blog. J’ai imprimé les autorisations de sortie – une sorte d’auto-ausweis – et je programme mes sorties de façon optimale.
Je pense avec reconnaissance à tous les professionnels de santé exposés et épuisés. J’observe avec tristesse certains comportements absurdes, mais chacun réagit à cette crise avec les moyens dont ils disposent. Je me souviendrai aussi – comme nous tous – de ces jours de confinement.
Et j'imagine que nous sommes en train de vivre un événement exceptionnel, comme si par exemple nous étions soumis à une catastrophe nucléaire majeure, un tremblement de terre particulièrement violent ... et que comme après Tchernobyl, Fukushima ou Lisbonne, nous nous redresserons - sachant que le Covid-19, c'est tout de même moins dangereux que les radiations atomiques. Gardons notre sang froid, et préparons-nous à de efforts pour retrouver une économie forte ... et durable !