Historiquement correct, essai historique de Jean Sévillia (2003 - 2006 - 2013)
De confession catholique et royaliste fidèle à la Maison de France, Jean Sévillia s'attache à mettre en avant les « racines chrétiennes de la France » dans ses nombreux écrits, comme le précise sa page Wikipédia. La lecture de son ouvrage le confirme.
Le propos est ici de tordre le cou à de nombreux préjugés historiques, idées reçues et lieux communs, pour la plupart forgés par l’école laïque et républicaine, et de lutter contre l’instrumentalisation idéologique du passé, une logique délétère qui conduit la société à recomposer le passé en fonction de présupposés politiques.
L’« historiquement correct » des dernières années (l'ouvrage a suscité de nombreuses controverses lors de sa parution) gomme trop souvent la complexité de l’histoire qui se réduit à la lutte contre le Bien et le Mal, réinterprétés selon la morale de notre temps.
Ce livre porte une attention particulière au démontage des clichés diffusés par la doxa « républicaine » contre le catholicisme (pour Jean Sévillia, traduire par : "de gauche"). C’est une longue plainte, brillamment argumentée, contre l’imaginaire politique fantasmé de l’enseignement de l’histoire telle qu’elle a été diffusée d'abord par l’école de la Troisième République puis, après 1945, par un corps enseignant et une classe intellectuelle majoritairement classés à gauche.
Chaque chapitre commence par un événement contemporain (généralement une commémoration) et revient sur une vérité souvent obscurcie ou oubliée, où les responsabilités ne sont pas toujours là où on les imagine : ainsi l’auteur retrace les grandes étapes de notre histoire depuis le système féodal, les croisades, les cathares, l’Inquisition, les guerres de Religion, en passant par ce que fut l’Ancien Régime, les Lumières, la Révolution et la Terreur, la Commune, le rôle des catholiques en faveur des ouvriers, l’esclavage, et plus récemment l’antisémitisme, le pacifisme, la Résistance et la Collaboration, la décolonisation et la guerre d’Algérie, l’attitude du pape Pie XII envers le régime nazi et en faveur des Juifs.
En fil rouge, le constat que l’intolérance – religieuse, politique, culturelle – n’est pas toujours là où on l’attend, c’est-à-dire là où on nous a appris à la situer pour des raisons trop souvent idéologiques.
Les débats entre historiens sont loin d’être clos mais la recherche progresse, les archives contemporaines deviennent accessibles. Il arrive même que des historiens honnêtes, comme Jacques Marseille à propos du coût réel de la colonisation, changent leur fusil d’épaule face aux données statistiques.
Dommage que l’objectivité ne soit pas toujours la règle d’or des historiens, y compris pour ce livre, par ailleurs très bien écrit.
Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, essai de philosophie historique de Jean Sévillia, aux éditions Perrin, collection Tempus, 518 p., 10€