De Gaulle : 1940 - 1958 - 1970.
L’Appel du 18 juin, c’était il y a 80 ans, le retour au pouvoir fondateur de la Vème République, c’était il y a 62 ans … La mort du Général, c’était il y a 50 ans, trois dates qui jalonnent ma vie.
L’Appel, bien peu de français l’ont entendu à la BBC en direct. Il a fallu que Charles De Gaulle le réenregistre pour la postérité dès le lendemain, devant une caméra. Chez moi, il est encadré !
Quelle subversion, quel culot, quelle prescience de l’évolution du conflit et du poids des forces en présence, au moment où la France a été bousculée, submergée, bientôt totalement humiliée par la faiblesse de dirigeants tétanisés par la peur. Un homme se révolte, seul, alors que tout dans son éducation, sa carrière militaire, sa foi lui dictent l’obéissance …
Toute ma jeunesse, j’ai été baignée dans la vénération du Général. Prisonnier en Allemagne, mon père s’est efforcé de le rejoindre pour continuer à combattre.
En 1958, je célébrais ma communion solennelle (sur la photo, je suis la deuxième à droite).
Je ne comprenais pas tout ce qui se passait depuis son retour rocambolesque au pouvoir. Ce qui me touchait, c’était le drame de la guerre d’Algérie.
On parlait alors d’« événements », d’opérations de « maintien de l’ordre ». On envoyait le contingent. Ensuite, j’ai étudié la manière – pas très orthodoxe, mais efficace - dont son retour aux affaires a été organisé par des fidèles, certains pas très recommandables, avant d’être plébiscité …
J’ai vécu toute mon adolescence dans l’euphorie du redressement, les Trente Glorieuses : la réforme monétaire, le plein emploi, la généralisation de l’enseignement secondaire, l’accès facile aux études supérieures, l’aménagement du territoire, l'indépendance de l'Algérie, le processus de décolonisation, les nouvelles institutions conçues selon les principes du discours de Bayeux (un pouvoir exécutif fort, un scrutin majoritaire permettant la stabilité ministérielle et aussi l’alternance), l’afflux des rapatriés, leur intégration imparfaite malgré la croissance économique (en particulier le scandale du sort réservé aux familles des Harkis), la réconciliation franco-allemande, la construction européenne.
Je me souviens aussi du sentiment de haine à l’encontre de De Gaulle allant jusqu'à la tentative de meurtre par une part de la population : au premier chef, les rapatriés, se sentant objectivement trahis après l’ambigu « Je vous ai compris » d’Alger, les tentatives d’attentats.
Les Communistes aussi, qui, au lendemain de la libération, représentaient près de 30% de l’électorat et exerçaient une influence majoritaire dans l’intelligentsia, viscéralement opposée au Général.
Ma conscience politique s’éveillait, encouragée par l’admiration de mes parents. Ma mère se souvenait des grandes enjambées du Général dans les couloirs du lycée Fromentin en 1943 à Alger, alors capitale provisoire de la France. Toutes les portes se fermaient, chacun tremblait devant ses colères tonitruantes. Elle se souvenait aussi d’un interminable voyage en train avec sa petite fille Claude. Une dame du compartiment très gentille lui avait proposé de la soulager en prenant la petite endormie sur ses genoux. C’était Yvonne De Gaulle …
Les Français ont l’invective au poing et la rancœur tenaces, presque réflexe, et les imbéciles qui vandalisent les statues me révulsent.
L’ignorance de l’histoire et des arcanes de la politique n’est sans doute pas complètement de leur faute, mais aujourd’hui, toute l’information est à leur disposition. Mais personne n'écoute, ne se documente. On avale n'importe quel bouteillon (c'est aunsi qu'on nommait les fake news, de mon temps !)
On sait tout aujourd’hui de ses hauts faits, de ses bons mots, comme de ses erreurs. J'ai des rayons entiers de livres sur De Gaulle, et quel écrivain !
De Gaulle a été une chance inouïe pour notre histoire, nous sommes peut-être les seuls, comme en beaucoup d’autres occurrences, à l’ignorer.