05 décembre 2020
Les vérités cachées de la défaite de 1940 par Dominique Lormier
Première remarque : il s’agit d’un ouvrage bourré de références, toutes plus techniques les unes que les autres et formellement basées sur des témoignages issus des archives militaires françaises, britanniques comme allemandes. Des statistiques, des dates, des lieux, des noms. Beaucoup de noms. L’auteur semble s’être donné pour objectif de rendre hommage – même tardif – aux combattants méconnus de cette courte campagne de France et en particulier au grand-père de sa femme et à son propre père Alain Lormier.
Deuxième remarque : on reste stupéfait de la somme d’ouvrages (plus de 140 !) déjà publiés par cet historien spécialiste – entre autres – de la Seconde guerre mondiale.
Je n’y ai pas retrouvé la trace des combats de Villedomange (10 - 11 mai) lors desquels mon père reçut une citation à l’ordre du Corps d'Armée et la Croix de guerre. Qu’importe … L’important est de mettre en lumière que la défaite de 1940 fut trop longtemps un sujet tabou – sauf pour Marc Bloch et les romans de Roger Bruge sur la Ligne Maginot. Ce livre réfute les clichés francophobes d'une l’historiographie anglo-américaine qui présente trop souvent les soldats français comme un troupeau de fuyards apeurés.
En réalité, la défaite de 1940 est celle d’une partie des élites militaires et politiques franco-britanniques refusant de voir à temps – politique de « l’apaisement » - le danger du nazisme à sa juste mesure, et préparant des plans délirants confiés à des généraux en chef malades.
Ce n’est pas le manque de chars qui a handicapé l’armée française mais l’absence de transmissions efficaces – alors que les chars allemands sont dotés de radio – et la faiblesse de formation des tankistes habitués à soutenir l’infanterie mais pas à engager des batailles avec des engins nécessitant deux ravitaillements pour parcourir 25 km … Les Allemands, eux, ont trouvé une astuce pratique : le jerrycan !
La défense des troupes françaises a été, dans bien des combats, héroïque, acharnée, sans issue. Il y eut des victoires, comme à Moncornet. Mais au 24 mai, l’armée allemande a déjà perdu 30% de ses chars, ce qui amène Hitler à stopper les Panzerdivisionen de Guderian sur l’Aa. Cette décision absurde va permettre, au prix d’un très lourd sacrifice français, le réembarquement spectaculaire de la plus grande partie du corps expéditionnaire britannique et de troupes françaises à Dunkerque. C’est le tournant de cette première partie de la guerre : Hitler ne conclura pas de paix séparée avec la Grande Bretagne.
Qui se souvient des tirs systématiques des Stukas sur les colonnes de réfugiés pour hâter la signature de l’armistice, de l’exécution de soldats et d’un capitaine noirs faits prisonniers, du premier bombardement sur Berlin réalisé par l’équipage du capitaine de corvette Daillière à bord d’un Farman baptisé « Jules Verne » le 7 juin 1940 ?
Les chiffres parlent : pendant 45 jours, l’aviation française a perdu 1247 avions sur les 1300 engagés, 541 pilotes tués, 364 blessés, 105 disparus. La Luftwaffe engageait 3500 avions, dont 1428 furent détruits, 2668 pilotes tués, 4191 blessés … sans compter les disparus, autant de ressources qui vont lui manquer pendant la bataille d’Angleterre.
Un ouvrage méthodique, réservé aux fans de cette époque, un recueil de citations relatant la réalité des combats et non des statistiques parfois volontairement truquées (chez les Allemands, pour masquer la réalité des pertes) et loin des clichés cinématographiques de Hollywood.
Les vérités cachées de la défaite de 1940, par Dominique Lormier, aux éditions du Rocher, 322 p., 19,90€