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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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3 mai 2021

Condorcet, un intellectuel en politique, biographie par Elisabeth et Robert Badinter

Condorcet Badinter

Quelle manière étincelante de raconter les péripéties de la Révolution que de retracer la vie et l’œuvre du dernier philosophe de l’Encyclopédie, Nicolas de Condorcet (1743 – 1794) !

Et qui mieux que le couple Badinter pouvait allier les compétences d’une philosophe spécialiste de l’époque des Lumières et de la condition féminine et de son mari, l'éminent avocat devenu ministre qui obtint l’abolition de la peine de mort en France ?

J’avoue ma totale ignorance de la personnalité de Condorcet que je ne connaissais jusqu’ici qu’à travers le nom d’un lycée parisien, et la statue de bronze, érigée en 1894 quai de Conti, entre l’Institut et l’Hôtel des Monnaies.

Cependant, depuis quelques mois et en particulier grâce à la lecture des romans de Jean-Christophe Portes, j’étudie les phases de cette fin du XVIIIème siècle, qui a vu la naissance de la République dans les soubresauts de la crise économique, de la guerre et de la Terreur.

Condorcet est un enfant surdoué, orphelin de père mort quand il n’avait qu’un mois et surprotégé par sa mère, un enfant timide et doux. Pour tuteur, il aura un oncle évêque. Placé en pensionnat chez les Jésuites, il y acquiert une haine absolue et définitive de tout ce qui touche (?) au clergé et aux magistrats qu’il accuse d’opprimer des êtres sans défense. Ce garçon fragile et plein de bonté, peut toutefois se montrer, par ses écrits, d’une violence proche du sectarisme lorsqu’il s’agit de s’attaquer à l’injustice. On le surnommera plus tard « le mouton enragé ».

Très tôt, il s’illustre par sa maîtrise des mathématiques et en particulier le calcul intégral, les équations différentielles, le calcul des probabilités, les débuts de la statistique électorale. Disciple de d’Alembert, célèbre très jeune, intègre l’Académie des Sciences, puis l’Académie française. Peu doué pour l’art oratoire, il influence ses amis.

Ses combats hérissent bien des lobbys de son temps : il milite pour l’interdiction de la traite et l’égalité civique des Noirs, pour le droit de cité reconnu aux Juifs, la citoyenneté entière aux Protestants, l’abolition de la peine de mort, l’égalité des sexes et le divorce, la libre circulation des grains, l’instruction publique laïque et gratuite …

Condorcet

Proche de Turgot auprès duquel il a travaillé en 1774 - 1776, il ne pardonnera jamais à Necker de l’avoir fait tomber. Ce passage aux affaires lui donnera l’occasion de découvrir qu’il n’y a pas de grande politique méditée dans le bureau d’un ministre qui ne soit en butte aux passions, aux préjugés et surtout aux intérêts contraires des hommes : amère découverte de l’expérience du pouvoir, toujours aussi valable aujourd’hui.

C’est un modéré, un temps proche des Girondins dont il s’éloigne pourtant, comme de La Fayette, Mirabeau, Siéyès avec lequel il conçoit la division administrative du territoire en 1790.

Après le retour piteux de Varenne se pose la légitimité d’un roi qui s’est parjuré. Condorcet plaide pour la République alors que la majorité des membres de l’Assemblée législative penche pour une monarchie constitutionnelle. Mais la question cruciale de la guerre aux frontières divise : les uns la jugent nécessaire pour fonder définitivement la Révolution, Robespierre s’y oppose car c’est la Cour qui la souhaite puisqu’une défaite restaurerait l’Ancien Régime. Condorcet déteste la guerre mais la juge inévitable en 1791.

 

Sophie de Grouchy

La vie de Condorcet est une suite de sacrifices pour le peuple : philosophe, il s’est fait politique, académicien, il s’est fait journaliste, noble, il s’est fait Jacobin mais surtout il s’est fait de Robespierre un ennemi mortel en le décrivant comme le gourou d’une secte …

 

Car même s’il s'est désolidarisé des Girondins dont il considère les attaques injustes et dangereuses, il sera bientôt mis hors la loi, obligé de fuir, mettant en danger mortel son épouse adorée Sophie de Grouchy et sa petite Eliza … mais je ne veux rien dévoiler de ce destin qui se lit comme un thriller politique.

A la fin d'une cavale où il trouvera refuge au 15 dela rue Servandoni, près de Saint-Sulpice, sa mort est énigmatique, et prématurée ...

 

Plaque_Nicolas_de_Condorcet,_15_rue_Servandoni,

En cette période d’affrontements féroces, jadis comme aujourd’hui, le réflexe politique absurde qui veut que l’on se détermine par rapport à un projet (de loi, de Constitution …) en fonction non pas de ses mérites mais selon l’affiliation politique de ses auteurs, m’est personnellement une souffrance. Condorcet nous a légué un corpus de notions républicaines sur lequel nous nous fondons aujourd’hui.

Respect lui soit rendu.

Ne pas s’effrayer des 700 pages : un bon tiers est consacré à des notes qu’on n’est pas obligé de lire !

 

Condorcet, un intellectuel en politique, biographie d’Elisabeth et Robert Badinter, Fayard – Le livre de Poche, 761 p., 9,70€

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