Je poursuis ma recherche sur l’histoire des pays d’Europe : l’empire Austro-Hongrois, la Prusse, la Pologne, la Russie et aujourd’hui un grand inconnu pourtant si proche : les Pays-Bas.

Les relations franco-néerlandaises, séparées par la barrière linguistique (entre autres), sont marquées par une foule de clichés et une méfiance réciproque séculaire. Et en fait, nous ignorons tout de cette histoire complexe, si éloignée de notre manière de penser la démocratie …

Et cependant, la lecture de cet ouvrage fondamental – qui va jusqu’en 2003 – laisse aussi transparaître certaines similitudes.

Il importe de rappeler l’extraordinaire succès des Pays-Bas entre le 15^ème et le 17^ème siècle. Le siècle d’Or et ses peintres, l'expansion maritime et coloniale, les innovations – la conquête des polders, la floraison des imprimeurs, l’humanisme naissant, la tolérance religieuse. Les Pays-Bas forment l’autre pôle artistique de la Renaissance avec le Quattrocento toscan. Le ciment de ce siècle : calvinisme, humanisme, nationalisme et mentalité commerçante.

Charles Quint rétablit l’unité territoriale disparue depuis Charlemagne mais est en éternel conflit avec la France qui lorgne sur l’Artois, le Tournaisis et la Flandre.

Le brillant souverain Guillaume 1er le Taciturne, prince souverain d’Orange, de protestant devient catholique, tolérant et dissimulé, disciple d’Erasme et souple comme Henri de Navarre, son cadet et ami. La haine que lui voue le roi d’Espagne va jusqu’à le faire assassiner en 1584.

La dégradation des relations avec la France inaugure à partir de 1660 une guerre de 40 ans. Guillaume III, nouveau stadhouder sera l’âme de toutes les coalitions contre Louis 14, mais l’épuisement des deux nations profitera à l’Angleterre. Le déclin survient au cours du 18^ème siècle. Paradoxalement, ce sont les exilés huguenots chassés par Louis XIV qui deviennent les vecteurs de la culture française qui triomphe aux Pays-Bas alors que la conquête française a échoué. Autre point de friction et aussi d’apports : la période des guerres révolutionnaires et la mainmise napoléonienne sur l’Europe …

D’autres points de convergence : les affrontements entre élites traditionnelles et libéraux, les querelles religieuses, les guerres scolaires, le rôle de l’Etat, l’émancipation féminine, le retard de l’entrée dans l’ère industrielle.

Une spécificité néerlandaise (et belge aussi) : le concept original prospérant dans l’entre-deux guerres et au-delà, marqué par le cloisonnement ou « verzueling » : la société est séparée en divers groupes de population qui développent leurs activités socio-culturelles et politiques chacun de leur côté ; chaque citoyen relève d'un des groupes pour l'ensemble des aspects de sa vie. Les piliers (zuilen) qui soutiennent le « dôme de la démocratie » reposent (selon l’auteur) sur la passivité des masses, le respect des croyances, le monopole du jeu politique par les élites, l’ignorance entretenue des autres groupes sociaux fondés le plus souvent sur l’appartenance religieuse.

Mais aussi une caractéristique due à l’émiettement des partis politiques, fruit de la représentation proportionnelle : la nécessité de former des coalitions, la faiblesse de l’Etat central, en particulier dans le domaine de la justice (tolérance pour la consommation des drogues « douces ») et de l’enseignement, l’acceptation de la royauté constitutionnelle.

Une lecture très dépaysante et éclairante sur l’un des acteurs importants de l’Union européenne.

Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours (2003) par Christophe de Voogd, édité chez Fayard, 391 p., 25,40€