28 novembre 2021
Les Muselés, polar de Aro Sàinz de la Maza
J’ai trouvé un point commun aux deux romans hyper-noirs publiés par Aro Sàinz de la Maza : un temps exécrable sur Barcelone.
Dans « Docile », un vent tempétueux sévissait, dans « Les Muselés » c’est une pluie omniprésente.
On retrouve avec intérêt dans ce second roman - après "Le bourreau de Gaudi" - l’inspecteur Milo Malart et ses collègues, la sous-inspectrice Rebeca Mercader, le sergent Crespo, l’inspecteur Boada … que Milo n’aime pas du tout et que l'on retrouve dans l'épisode suivant, et les soucis médicaux récurrents de l’inspecteur Malart qui craint devenir, comme son père et son frère, schizophrène.
L’ambiance est lourde à Barcelone, en pleine crise économique et de souveraineté. On ne compte plus les travailleurs au chômage, bientôt chassés de leur logement, acceptant n’importe quel travail pour survivre, ou s'échapper le plus loin possible de cet enfer. C'est l'autre face de la Barcelone que nous avons tant de plaisir à visiter en touristes.
Ce sont eux, les « muselés » qui ne comptent pour rien et sont totalement ignorés de la classe dirigeante, incompétente, haïe, corrompue, qui continue à vivre grassement, sans vergogne.
Milo est requis pour enquêter sur la mort par strangulation d’une jeune étudiante de vingt ans, retrouvée à peine enterrée. Ce qui intrigue l’inspecteur est le caractère particulièrement soigné de ses ongles manucurés. Cela ne cadre pas avec le portrait d’une jeune fille studieuse qui travaille aussi dans un cabinet d’avocat où elle assure le recouvrement de créances, pour faire vivre sa famille.
On retrouve bientôt plusieurs cadavres de jeunes chiens empalés sur les manches à balais, installés dans les parcs près des jeux pour enfants … La municipalité insiste lourdement pour que l’on retrouve le coupable, peut-être plus que pour la résolution de l’assassinat de la jeune Carolina Estrada, dont on découvre que la vie n’est pas du tout ce que l’on croyait savoir.
C’est le sens profond de cette enquête : tous les protagonistes ont une double personnalité.
Tout le monde ment … sauf le plus sympathique des protagonistes : le chien Mon Vieux, un berger de Majorque très affectueux mais piètre nageur, confié pour quelques jours à Milo. Lui non plus ne parle pas, sauf quand c'est vraiment nécessaire ... et terriblement efficace. Une muselière virtuelle, en fait ... Mais même Milo, lui aussi, ne dit pas tout de cette affaire à ses collègues et supérieurs.
Les Muselés – El dngulo muerto - polar de Aro Sàinz de la Maza traduit de l’espagnol par Serge Mestre, édité par Actes Sud Babel noir, 364 p., 8,80€