La Presse change de paradigme
Autrefois lectrice occasionnelle de la Presse – sauf les journaux régionaux – je n’achète plus qu’un seul quotidien – le numéro du samedi du Figaro (sans ses annexes, trop à droite à mon goût), uniquement pour la grande page de mots fléchés (j'en lis la pages saumon, quand même !).
Depuis l’invasion de l'information par les réseaux sociaux et des télévisions d’info continue, je comprends très bien la crise sévère que vit ce secteur (dépenser plus de 3€ chaque jour me stupéfie), la gratuité ayant submergé l’espace disponible. Car chacun se voit désormais journaliste et photographe – moi y compris.
Cependant, nous avons un besoin vital d’un accès libre à une information non seulement fiable mais la plus objective possible (elle ne l'est jamais tout à fait), de croiser les sources, pour aider à comprendre et à se construire une opinion éclairée. Loin d’une certaine presse qui joue plus sur la satire à tout bout de champ, le divertissement, la tyrannie de l'anecdote, ou carrément le sordide des fausses nouvelles.
Pour contrer cette tendance qui désespère et décrédibilise le métier de journaliste que je respecte absolument, de nouvelles formules éditoriales ont fleuri depuis quelques mois. De belles signatures ont créé des publications originales, indépendantes, dans de nouveaux formats, dotées de maquettes sortant du déjà vu, recelant des articles courts et nerveux, qui prêtent à la réflexion.
Le premier journaliste à innover dans le genre, et qui continue allègrement dans la voie de l’innovation, est Eric Fottorino (né en 1960), journaliste à l’origine spécialiste des matières premières et du cyclisme (sa passion), directeur du Monde en 2008/2010.
Son premier concept jeté comme un pavé dans la mare : il est cofondateur de l’hebdomadaire Le 1. Une seule grande feuille pliée en 4, un grand thème à la fois, aucune publicité.
Plus tard, l’édition de Zadig, trimestriel de 200 pages, où chaque numéro est consacré à un aspect de la France «Toutes les Frances racontent la France», vendu 19€.
Depuis 2020, « Légende » est un trimestriel de très grand format (40x27) comportant 70% de photos souvent inédites et 30% de textes, vendu 20€, soit le prix d’un livre de grand format.
Chaque numéro est consacré à une personnalité qui a marqué son temps. Après Zinedine Zidane, Brigitte Bardot, Angela Davis, Coluche, la Reine d’Angleterre et Georges Brassens, le numéro 7 est consacré à De Gaulle, l'archétype d’une légende.
Naturellement, ce sont des numéros à conserver, des "collectors". Dans cette dernière livraison, des clichés jamais vus, des « visions » du grand homme depuis plusieurs angles, de belles signatures, beaucoup de documents concernant les révoltes étudiantes du printemps 1968 …
Toujours avec pour objectif affiché l’indépendance vis-à-vis des grands groupes de médias, ces journaux ne comportent aucune publicité.
C’est aussi ce cas du nouvel hebdomadaire « Franc-tireur » qui adopte lui aussi le format d’une page pliée en 4.
Un journal d’opinion, où l’on retrouve de belles signatures de professionnels éminemment respectables – conformes à mon positionnement personnel, en fait ! – comme Christophe Barbier, Caroline Fourest, Raphaël Enthoven, Philippe Aghion, Olivier Babeau, Rachel Khan, Jean-Claude Mailly … des piliers de C à vous, l’émission de la 5 que je ne rate jamais.
Reprenant crânement le titre du journal clandestin de la Résistance disparu depuis 1957, la publication se présente comme un manifeste hebdomadaire pour combattre l’obscurantisme et tous les extrêmes par la rationalité - il y a du travail en ces temps du tout n'importe quoi - avec pour cible prioritaire la majorité silencieuse.
Ici aussi, pas de publicité, seuls les abonnements et la vente en kiosque garantissent l’équilibre de la formule. Les tirages actuels semblent répondre à cet objectif. Car l’information a un prix (ici, 2€ par semaine, cela vaut le coup de s’abonner pour le recevoir chez soi !).
Loin de l’info spectacle (ce qui ne m’interdit pas de regarder les magazines « people » pendant les vacances) et des magazines sur papier glacé qui ne sont que des supports de publicité pour marques de luxe, fuyant les infos « téléguidées » par tel ou tel magnat qui veut influer sur l’opinion … je choisis mes journalistes préférés, et donne ma préférence au support papier - comme pour les livres.
A l’approche de la présidentielle, on va devoir être de plus en plus vigilants pour se forger une opinion personnelle et exercer notre pouvoir de citoyen en toute connaissance de cause !