Qui porte encore des collants ?
Qui n'a pas remarqué la massive campagne de publicité à la radio et sur les chaînes de télévision de la marque française de chaussettes et de collants "Bleu Forêt" ?
Une bouffée de souvenirs qui m’a renvoyée à l’évolution de notre manière de nous vêtir, nous les femmes, depuis soixante ans. Mais qui porte encore des collants ?
Il suffit de se promener dans la rue pour constater l’extraordinaire uniformité des vêtements, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, encore plus sensible chez les jeunes. Un gommage des genres et des styles en somme. Même les femmes âgées (de mon âge, donc) ne sortent plus qu’en pantalons, et le plus souvent en leggings - en hiver naturellement. Inimaginable dans ma jeunesse : le pantalon à l’école n’était toléré que par grands froids, et sous une jupe … De la même façon, les pardessus et manteaux de laine ont pratiquement disparu au profit de doudounes matelassées à la manière des participants à la Longue Marche de Mao.
Je me suis interrogée sur la dernière occasion où j’avais enfilé un collant et porté une jupe … C’est simple : depuis plusieurs années, je ne porte plus que des leggings, avec des mi-bas. J'attache plus d'importance à mes "hauts". Si la température chute au-dessous de zéro, il m’arrive en effet glisser en dessous un collant opaque … mais avec le réchauffement climatique, c'est devenu rare.
Quelle drôle d’histoire que celle du collant !
Une simplification, l’option pour le côté pratique à la place de l’affriolant glamour du bas nylon tenu par un porte-jarretelles, la disparition des attaches en caoutchouc passées dans un anneau métallique, la vérification de l’alignement correct de la couture … Déjà une sorte de marque d’indépendance des femmes – car les hommes n’aimaient pas du tout le côté « fermé » du collant …
Les souvenirs se bousculent. J’ai voulu en savoir davantage …
Les collants ont toujours existé, pour les danseurs et les enfants notamment. Mais la découverte majeure survient aux Etats-Unis avec l’invention du bas nylon en 1940 par Du Pont de Nemours. C’est alors un objet de luxe, la star du marché noir pendant la guerre. Tricoté à plat, il est assemblé à la main en respectant le galbe de la jambe grâce aux diminutions et un joli triangle prolongeant le talon.
Objet de luxe, on le fait remailler lorsqu'on a eu le malheur de l'accrocher et qu'il a "filé" ... On trouve de minuscules boutiques où opèrent des remailleuses de bas dans des recoins de rues;
Pour moi, commencer à porter des bas a représenté vers mes 14 ans un progrès majeur dans mon statut de jeune fille, comme chausser des souliers à talons.
Et puis une nouvelle invention est survenue au début des années 60 : le « bas slip » commercialisé par la marque « Mitoufle » en 1959.
C’est la bonneterie Gérard et Fortier (Gef) sise à Arcis-sur-Aube qui a racheté le brevet à la société Balmoral et créé la marque « Mitoufle ». Je me souviens très bien de l’objet promotionnel qui vantait le nouvel accessoire dans les vitrines : un demi corps de femme en celluloïd coupé au niveau de la taille et chaussé d’un collant miniature. Pas très tentant tout de même, voire surréaliste.
En 1960, l’invention de la minijupe par Mary Quant (née en 1930) constitue un jalon dans la libération des mœurs et des femmes : le collant devient un accessoire incontournable. Le couturier André Courrèges lui emboîte aussitôt le pas.
Autre innovation majeure, l’apparition des bas sans couture. En 1953, Bernard Giberstein (1916 - 1976), ingénieur agronome et ancien résistant, fonde l’entreprise Begy et importe des USA les premiers métiers à tisser circulaires.
Si les premiers bas sans couture sont produits par la société Wolford en 1954, Bernard Giberstein dépose le brevet pour les bas sans couture qu’il baptise aussitôt, puisque c'est un accessoire que l'on porte lorsqu'on s'habille chic : « Les bas du Dimanche », devenus les « Bas Dimanche », puis DIM en 1964.
DIM commercialise alors des collants « Tel quels », tout froissés et en boule, pas mis en forme et vendus dans de petites boîtes en carton, 10 pour 10 Francs. Le collant devient omniprésent.
En 1970, DIM est le deuxième fabriquant de collants mondial.
Qui achète encore aujourd’hui des collants ? Je l’ignore.
J’ai encore en mémoire les merveilleux clips de « Dim, dam, dom » à la télévision, mais avec les tendances d’uniformisation de la mode et la mondialisation, je doute qu’il reste encore une manufacture de collants dans notre pays. Sic transit …
Un dernier détail : que représente un denier, l'unité de mesure de l'opacité d'un collant ?
Il détermine le diamètre du fil de nylon, son poids en grammes pour 9000 mètres de fil. J'ai enfin compris ce que signifie "15 deniers" pour les bas et collants les plus fins.