30 janvier 2022
Qui porte encore des collants ?
Qui n'a pas remarqué la massive campagne de publicité à la radio et sur les chaînes de télévision de la marque française de chaussettes et de collants "Bleu Forêt" ?
Une bouffée de souvenirs qui m’a renvoyée à l’évolution de notre manière de nous vêtir, nous les femmes, depuis soixante ans. Mais qui porte encore des collants ?
Il suffit de se promener dans la rue pour constater l’extraordinaire uniformité des vêtements, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, encore plus sensible chez les jeunes. Un gommage des genres et des styles en somme. Même les femmes âgées (de mon âge, donc) ne sortent plus qu’en pantalons, et le plus souvent en leggings - en hiver naturellement. Inimaginable dans ma jeunesse : le pantalon à l’école n’était toléré que par grands froids, et sous une jupe … De la même façon, les pardessus et manteaux de laine ont pratiquement disparu au profit de doudounes matelassées à la manière des participants à la Longue Marche de Mao.
Je me suis interrogée sur la dernière occasion où j’avais enfilé un collant et porté une jupe … C’est simple : depuis plusieurs années, je ne porte plus que des leggings, avec des mi-bas. J'attache plus d'importance à mes "hauts". Si la température chute au-dessous de zéro, il m’arrive en effet glisser en dessous un collant opaque … mais avec le réchauffement climatique, c'est devenu rare.
Quelle drôle d’histoire que celle du collant !
Une simplification, l’option pour le côté pratique à la place de l’affriolant glamour du bas nylon tenu par un porte-jarretelles, la disparition des attaches en caoutchouc passées dans un anneau métallique, la vérification de l’alignement correct de la couture … Déjà une sorte de marque d’indépendance des femmes – car les hommes n’aimaient pas du tout le côté « fermé » du collant …
Les souvenirs se bousculent. J’ai voulu en savoir davantage …
Les collants ont toujours existé, pour les danseurs et les enfants notamment. Mais la découverte majeure survient aux Etats-Unis avec l’invention du bas nylon en 1940 par Du Pont de Nemours. C’est alors un objet de luxe, la star du marché noir pendant la guerre. Tricoté à plat, il est assemblé à la main en respectant le galbe de la jambe grâce aux diminutions et un joli triangle prolongeant le talon.
Objet de luxe, on le fait remailler lorsqu'on a eu le malheur de l'accrocher et qu'il a "filé" ... On trouve de minuscules boutiques où opèrent des remailleuses de bas dans des recoins de rues;
Pour moi, commencer à porter des bas a représenté vers mes 14 ans un progrès majeur dans mon statut de jeune fille, comme chausser des souliers à talons.
Et puis une nouvelle invention est survenue au début des années 60 : le « bas slip » commercialisé par la marque « Mitoufle » en 1959.
C’est la bonneterie Gérard et Fortier (Gef) sise à Arcis-sur-Aube qui a racheté le brevet à la société Balmoral et créé la marque « Mitoufle ». Je me souviens très bien de l’objet promotionnel qui vantait le nouvel accessoire dans les vitrines : un demi corps de femme en celluloïd coupé au niveau de la taille et chaussé d’un collant miniature. Pas très tentant tout de même, voire surréaliste.
En 1960, l’invention de la minijupe par Mary Quant (née en 1930) constitue un jalon dans la libération des mœurs et des femmes : le collant devient un accessoire incontournable. Le couturier André Courrèges lui emboîte aussitôt le pas.
Autre innovation majeure, l’apparition des bas sans couture. En 1953, Bernard Giberstein (1916 - 1976), ingénieur agronome et ancien résistant, fonde l’entreprise Begy et importe des USA les premiers métiers à tisser circulaires.
Si les premiers bas sans couture sont produits par la société Wolford en 1954, Bernard Giberstein dépose le brevet pour les bas sans couture qu’il baptise aussitôt, puisque c'est un accessoire que l'on porte lorsqu'on s'habille chic : « Les bas du Dimanche », devenus les « Bas Dimanche », puis DIM en 1964.
DIM commercialise alors des collants « Tel quels », tout froissés et en boule, pas mis en forme et vendus dans de petites boîtes en carton, 10 pour 10 Francs. Le collant devient omniprésent.
En 1970, DIM est le deuxième fabriquant de collants mondial.
Qui achète encore aujourd’hui des collants ? Je l’ignore.
J’ai encore en mémoire les merveilleux clips de « Dim, dam, dom » à la télévision, mais avec les tendances d’uniformisation de la mode et la mondialisation, je doute qu’il reste encore une manufacture de collants dans notre pays. Sic transit …
Un dernier détail : que représente un denier, l'unité de mesure de l'opacité d'un collant ?
Il détermine le diamètre du fil de nylon, son poids en grammes pour 9000 mètres de fil. J'ai enfin compris ce que signifie "15 deniers" pour les bas et collants les plus fins.
Commentaires
Moi aussi je porte des collants, puisque je ne suis en pantalon. qu'exceptionnellement, pour crapahuter dans les bois par exemple...
Mais il est vrai que dans notre génération c'est l'exception, je le constate dans la rue ou les transports, alors que les (plus si jeunes) femmes de mon entourage sont de plus en plus souvent en jupe ou robe, et que leurs filles alternent les tenues suivant l'occasion ou l'envie.
Vous oubliez de rappeler, à propos des bas, que quand l'un était filé il était difficile d'en avoir un autre "du même bain", à moins d'avoir fait attention au numéro de celui-ci lors de l'achat de plusieurs paires.
D'où le succès de Dim avec ses chapelets de (8, 10 ?) bas sous emballage individuel !Comme vous le dites, enfin un débat intéressant !
Le nom Mitoufle m’était totalement inconnu.
Mon époque jeune fille a coïncidé avec celle de la minijupe et des collants Dim en couleur dans le petit pochon qui les rendait si facile à ranger. Ils étaient gais, plus épais et bien plus solides que les clairs.
Je suis restée une inconditionnelle des collants couleur, qui personnalisent n’importe quelle tenue. Ils sont toujours plus épais et souvent plus confortables que les pantalons. Ceux-ci n’en ont pas moins fait partie de ma garde-robe de femme multitâches pressée.Super intéressant
Cela fait des années que je n'ai pas porté de collant.
J'ai appris plein de choses aujourd'hui.et notamment l'origine du nom DIM.
Dans mon enfance nous avions "les habits du dimanche". Mais je n'ai jamais imaginé que les collants DIM correspondaient tout simplement aux "bas du DIManche". Quant à Mitoufle "16", je n'en ai jamais entendu parler.super intéressant
Merci d'avoir évoqué ce sujet qui me parle autant qu'à vous, j'ai attendu avec impatience pour pouvoir porter des bas. C'était le cadeau de mon quinzième anniversaire avec porte jarretelles, assorti à mon soutien gorge et à mon slip les bas étaient fabriqués dans une usine de ma petite ville de province. En plus un cadeau supplémentaire une paire de chaussures avec talons bobine. J'étais ravie, je m'en souviens encore.
Je n'en porte pas souvent mais j'aime passer une robe de temps en temps. Les collants sont opaques et confortables de nos jours. Une certaine Cristina milite contre le collant chair. Dommage car c'est joli quand c'est fin et de qualité.
Honnêtement la doudoune chez les jeunes n'a plus la côte. Le manteau a la côte cet hiver, élégant, beige, rose, prince de Galles. Ou bien le caban avec le pull marin bien chaud et made in France.
Arcis sur Aube et les environs de Troyes avec les usines délabrées à l'abandon parce que justement on ne porte plus assez de collants ou de bas. Quel dommage de sacrifier à cette uniformité.
Un tour dans la communauté des couturières sur les réseaux sociaux fait du bien au moral. La robe comme le modèle Lora de la Maison Victor facile à coudre et élégante prouve que la robe n'a pas dit son dernier mot 😉 ni les collants qui vont avec !
Pas du tout de votre avis, depuis plusieurs saisons les robes reviennent en force. Il suffit de voir les collections de prêt-à-porter et aussi les différents patrons de couture et tous les jolis tissus
Il y a aussi beaucoup de collants opaques pour l hiver.