12 février 2022
La familia grande, récit de Camille Kouchner
Je n’ai acheté ce livre qu’à l’occasion de sa récente sortie en format poche …
Je connaissais tout de cette sordide histoire d’emprise. Les souffrances infligées par des adultes se prétendant des parents sur leurs propres enfants me révulsent. Blessures psychologiques, morales et physiques, indélébiles, vies fracassées. Ravages du silence. Vertus de la parole.
Ici, cela se passe dans la société la plus raffinée : l’intelligentsia parisienne, des hommes et des femmes hyper doués, connus, encensés, redoutés. Mais c’est la même dramaturgie chez les humbles. On en parle moins, c’est tout.
J'ai profondément admiré le protagoniste principal de cette terrible histoire, toujours libre de ses mouvements aujourdhui mais définitivement exclu du monde dans lequel il vivait. Sa punition est-elle à la mesure du crime accompli ?
Comment élever ses enfants dans l’illusion de libertés absolues, que tout est acceptable, même ce tabou de toute humanité venant du fond des âges : la pédophilie et l’inceste.
Comment un homme a qui tout a été donné largement : un père ministre, les brillantes études, la beauté et le succès, le talent oratoire, la réussite médiatique et politique au plus haut sommet, a pu ainsi abuser de son pouvoir auprès d’un enfant qui l’adulait et qu’il aimait comme son fils ?
Autre mystère : l’aptitude au suicide. Liberté ultime ou lâcheté ? Une solution choisie par certains et certaines dans cette famille, sans égards pour les dommages collatéraux auprès des enfants. Une tare familiale, transmissible ?
Enfin, une réflexion qui m’est toute personnelle : pourquoi reprocher à ses enfants de ne pas venir obligatoirement passer leurs vacances en phalanstère de luxe dans une grande maison où tout le monde se balade dans le plus simple appareil ?
J’ignore si Camille Kouchner a trouvé la sérénité de femme et de mère en écrivant ce récit poignant de bout en bout. Celle qui vivait en symbiose intellectuelle et charnelle avec sa grand-mère, sa mère et sa tante, ses frères, son jumeau et son aîné, et les enfants adoptés par sa mère et ce beau-père respecté puis exécré, a-t-elle enfin recouvré sa liberté intime, son indépendance, sa vie enfin ? Je le lui souhaite ardemment mais j’en doute.
L’écriture favorise, paraît-il, la résilience. Il faut dire aux enfants que leur vie leur appartient, que l’éducation des parents est aussi nécessaire que l’amour, mais qu’elle ne doit pas excéder certaines limites. Il y a un moment où il faut « quitter son père et sa mère » … même et surtout s’ils sont des héros.
Je reste cependant désormais vigilante en me promenant dans mon quartier circonscrit entre la rue Joseph Bara, la rue d’Assas, la rue Guynemer et le jardin du Luxembourg, le lycée Henri IV et l’école alsacienne où je vis depuis plus de 40 ans et où mes propres enfants ont étudié, afin de ne pas rencontrer le regard de ces voisins …
La familia grande, récit autobiographique de Camille Kouchner, édité par Le Seuil – Points – 201 p., 7,50€
Commentaires
On se demande effectivement ce qu'il y'a de commun entre le prédateur sexuel issu des plus hautes castes, et lui-même doué en tant de domaines, et un autre venu d'un milieu sordide à qui le sort n'a rien donné ? Quelle misère partagent-ils?
En attendant " Selon que vous serez puissant ou misérable ..." La Fontaine, explique peut-être de possibles rencontres inopportunes dans ce quartier de Paris. Bonne journée à vous.Ce livre par la position de Camille Kouchner a permis de révéler ce qui se cache dans ce milieu dit raffiné , Tous les milieux sont touches certains plus stigmatisés que d'autres
Il suffit de lire les écrits de Niki de St Phalle, entre autres
Le psychiatre Pierre Sabourin qui intervenait à l iFSI parlait de père inces-tueur
J’ai lu ce livre et été aussi choquée que vous.
Agréable journée