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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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19 février 2022

Maus, roman graphique d'Art Spiegelman (1978 - 1991)

souris

Info étonnante : un conseil scolaire du Tennessee a voté récemment à l'unanimité pour bannir de l'enseignement le roman graphique « Maus », dont le thème central est l'Holocauste. Selon ce conseil de 10 personnes, il contiendrait des éléments « inappropriés » pour les élèves. Encore une dérive de la « pensée unique » ?

 

Maus

Qui, pourquoi, quelles images « inappropriées » : les censeurs parlent d’une image de femme nue et de huit jurons que ne sauraient lire les jeunes lecteurs de ce chef-d’œuvre de la bande dessinée moderne (Cachez ce sein …)

J’ai donc relu cet ouvrage pieusement conservé dans ma bibliothèque, publié d’abord dans la revue de BD et d’avant-garde RAW, et qui fut un événement de l’édition, couronné par le prix Pulitzer en 1992, et que j’avais découvert dès sa parution en français, très bien traduit par Judith Ertel.

J’ai bien cherché, je n’ai pas trouvé de femme nue … et les quelques jurons échappés à côté des monceaux de morts dans les camps ou assassinés lors des marches de la mort, quel mauvais procès !

 

Maus planche

 

maus2

C’est en effet un ouvrage à double lecture.

Au premier degré, c’est le témoignage d’un rescapé de la Shoah, Vladek, recueilli par son fils Art Spiegelman, né en 1948, et qui veut savoir pourquoi sa mère, elle aussi rescapée, s’est suicidée en 1968.

Moi aussi, en 1993, j’ai retranscrit les souvenirs de mes parents et en particulier ceux de mon père, échappé des camps de prisonniers allemands en février 1942 (mais rien à voir avec les camps d'extermination nazis).

Vladek s’est remarié, avec une survivante elle aussi. Mais la vie commune est particulièrement difficile.

Au-delà, c’est la relation complexe entre un fils qui veut comprendre comment, si ce n’est pourquoi, une telle barbarie a existé, et qui constate les stigmates qui continuent à ronger ce survivant, et ont définitivement ravagé ce qui lui reste de vie, conduisant à des réflexes de survie qui l’envahissent jusqu’à l'étouffer littéralement …

C’est peut-être ici la partie la plus émouvante de ce témoignage.

L’auteur et dessinateur choisit, ici aussi, la technique narrative anthropomorphe : les juifs sont représentés comme des souris – pas complètement par hasard puisque la propagande nazie assimilait les Juifs à des rats – les Polonais en porcs, les Français en grenouilles (Froggies), les Suédois en rennes, les Allemands nazis en chats, sauvages …

Lorsqu’un Juif ne porte aucun signe distinctif de sa condition (l'étoile) pour « arranger » des transactions avec des non-juifs, il porte un masque de cochon … car rien en fait ne le distingue des Polonais « de souche ».

Il est super malin, ce Vladek. Jamais découragé.

Fort, courageux et amoureux aussi, il va tout faire pour survivre, retrouver sa chère Anja, utiliser tous les ressorts des relations et des réseaux familiaux, apprendre plusieurs métiers, travailler comme un esclave, épargner le moindre bout de pain  'pour l'échanger avec autre chose, se faire bien voir, corrompre les kapos, se sortir de situations désespérées.

Il a de la chance …

Ayant réussi à émigrer aux Etats-Unis – sa connaissance de l’Anglais lui aura été bien utile – enfin, un anglais encore construit à la manière yiddich (excellente traduction !) – il continue à vivre après la guerre comme si tout pourrait venir à nouveau à lui manquer.

En réalité, son fils constate qu’il n’est jamais tout à fait revenu des camps. Et même, qu'il devient absolument insupportable, exigeant, d’une avarice calamiteuse.

Ce livre est un monument. Choquant, c’est évident, et c’est encore peu dire à côté de ce que nous savons de la Shoah, c’est un témoignage circonstancié, précis et précieux. Qu’il ne convienne pas à des enfants trop jeunes, sans doute … mais qui est indispensable à de jeunes gens pour leur rappeler ce qui s’est passé au siècle dernier en Europe, et que certains dénient aujourd’hui.

A noter : en réaction à la décision des écoles du Tennessee – un état républicain depuis toujours – Ryan Higgins, libraire californien, a proposé d’envoyer un exemplaire de Maus à toutes les personnes de cet Etat qui lui en feraient la demande pour leurs enfants : des milliers de demandes lui ont été transmises !

 

Maus, tome 1 et 2, BD d’Art Spiegelman, traduit par Judith Ertel, publié chez Flammarion, 160p. et 136 p., et en édition unique.

Commentaires
N
Merci pour cet article qui m'a bien intéressée (une découverte pour moi)...
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