01 juin 2022
Un été avec Colette, par Antoine Compagnon, de l'Académie française
Une courte et passionnante biographie de l’immense écrivaine de la même génération que Claudel, Gide, Proust Valéry et Péguy, tous nés entre 1868 et 1873 : Colette, illustrée par des morceaux bien choisis de ses écrits.
Elle fut la plus insolente, la plus transgressive, et la plus populaire de cette époque riche en écrivains. Sa vie extraordinaire de journaliste, d’auteure, d’artiste de music-hall, de danseuse nue, mais aussi de rédactrice publicitaire, de créatrice de produits de beauté fut à elle seule digne d’un roman.
Quel destin !
Mariée jeune à Willy, elle débarque à Paris à vingt ans en 1893, nantie de son extraordinaire chevelure dont les tresses lui descendent jusqu’aux pieds et qu’elle ne coupera qu’en 1902, se libérant de l’emprise de sa mère Sido. Son mari l’exploite et signe de son nom la série des Claudine.
Ses liaisons saphiques commencent avec Jenny Urquhart en 1901. Elle aura une longue liaison avec Missy, fille du duc de Morny, à partir de 1905 alors qu’elle se sépare de son mari qui la trompe, et auquel elle ne pardonnera jamais d’avoir vendu les droits de Claudine. Mais elle est indépendante, pas féministe : elle se fait des amies des maîtresses de ses maris successifs.
Elle tombe amoureuse d’Henry de Jouvenel, grand et bel homme, animal politique qui dirige « Le Matin », fait et défait les ministères. Lui aussi est volage. A 40 ans, elle aura de lui une fille, avec laquelle les relations demeureront tendues. Colette aura aussi une liaison avec le fils de son mari, Bertrand, bien plus jeune qu’elle.
Il suffit de lire ses romans pour la comprendre : La vagabonde, Mitsou, Chéri, La fin de Chéri, le blé en herbe … Colette est aussi une grande journaliste, critique dramatique, directeur littéraire, directeur de Marie-Claire … en 50 ans, elle publie plus de 1000 articles dans Le Matin, Le Figaro, le Journal, Vogue, Paris-Soir. Elle s’intéresse au cinéma, se lie avec Musidora, l’actrice fétiche de Louis Feuillade.
Elle ne regarde pas trop l’étiquette des journaux dans lesquels elle publie, notamment pendant l’Occupation car elle a besoin d’argent.
Cultivant son rude accent bourguignon, elle est proche de la nature et des animaux, en particulier des chats, elle écrit sans cesse, souvent dans la douleur, surtout pour les dernières pages.
Couverte d’honneurs dans la fin de sa vie, elle ne quitte plus son appartement du Palais Royal, recevant la Presse : je me souviens de cette très vieille dame gourmande - disparue en 1954 - autrefois grande amoureuse, mariée trois fois, entourée des jeunes écrivains de son temps, que j’ai vue à la télévision dans les années cinquante.
Un livre plein de détails savoureux, écrit avec fluidité et respect … et qui incite à lire – ou relire – les romans très autobiographiques de cette extraordinaire auteur toujours aussi actuelle.
Un été avec Colette par Antoine Compagnon, de L’Académie française – édité par Equateurs France Inter, 249 p., 14€