23 juin 2022
L'entrave, roman de Colette (1913)
C’est le deuxième roman que Colette publie sous son nom, en 1913, après La vagabonde … dont il est la suite, et avant Mitsou.
Sa rédaction a été interrompue par la naissance de Bel Gazou, la fille de Colette et de son deuxième mari Henry de Jouvenel épousé en 1912.
Mais pas vraiment une suite, si ce n’est la reprise de son héroïneet « double » : Renée Néré, actrice de music-hall. Cependant Renée a cessé toutes activités professionnelles à la suite d’un héritage qui lui prodigue une rente mensuelle lui permettant de « vagabonder » à sa guise en séjournant tour à tour dans des hôtels de luxe : au Meurice à Paris, à Nice, au bord du lac Léman … Renée a rompu avec Max, à présent marié et père d'un petit garçon.
Elle jouit de la liberté financière d’une femme sans attaches, qui aime à s’entourer d’amis. En particulier le couple mal assorti que forment May, triomphante beauté de 25 ans – Renée en a 36 – et Jean, et l’énigmatique Masseau : témoin, entremetteur, excentrique pique-assiette.
L’histoire est celle de la naissance d’un amour mal partagé. Renée mène l’introspection à la manière d’un entomologiste qui arracherait les ailes d’un insecte sous la loupe, indifférent à la souffrance de la victime.
Comment Renée se laisse prendre au charme de Jean, l’amant cogneur de May, comment elle se place elle-même entre ses rets, comment elle se lie, consciente, au sein d’une entrave librement consentie – elle s’installe dans son hôtel du boulevard Berthier - comment aussi elle finit par accepter de la part de son amant une relation où le plaisir joue un rôle plus important que l’amour. C’est la description distancée de la lutte entre homme et femme, où finalement, plus sensible et plus généreuse, la femme n’en sort pas indemne.
Le style de Colette est éblouissant et, paradoxalement, à nos yeux habitués au féminisme contemporain de rigueur, terriblement actuel. La relation amoureuse est rarement symétrique, et le plus fort des deux est souvent le plus égoïste.
Il n’y a pas d’amour heureux, dira Louis Aragon (1944) …
L’entrave, roman de Colette (1913), publié à l’origine chez Flammarion, 160 p. dans l’édition de la Pochothèque du Livre de Poche.
N.B. : j'ai oublié laquelle de mes filles m'a offert ce recueil des romans de Colette pour la Noël et de quelle année. Un livre dont je n'ai pas encore découvert tous les trésors ... Qu'elle en soit vivement remerciée ...