19 septembre 2022
La ville des incendiaires, roman par Hala Alyan
« Une famille aimante, excentrique et parfaite » : c’est ainsi que la présente l’autrice.
Un « clan » où dominent les figures maternelles. La culture méditerranéenne, ici précisément musulmane mais dans une famille résolument tournée vers l'occident, dans un pays, le Liban, en proie à la guerre civile.
Entre 1975 et 1990, Chrétiens, Druzes, Palestiniens, Chiites, Maronites, Syriens se sont entretués dans cette région étroite et magnifique (on évoque un bilan de 130000 à 250000 victimes). Le Liban commence – ou poursuit – sa descente aux enfers.
La guerre reste pourtant discrète, en toile de fond de cette saga familiale dont le héros malgré lui est assassiné dès le premier chapitre.
Ensuite, il est recommandé de tracer l’arbre généalogique de cette famille étendue dont chaque membre joue sa partition (plusieurs d'entre eux sont musiciens), entre vérité et mensonge. Des secrets gardés au chaud pendant quarante et un ans, comme il en existe dans toutes les familles.
Mazna est syrienne, pauvre, habite Damas. Son rêve est de devenir actrice, elle est très belle et non dénuée de talent. En 1978, elle épouse en catastrophe Idriss contraint de fuir vers les Etats(Unis où il a obtenu une bourse d'études. Idriss est issu d’une famille bourgeoise – son père est imprimeur - étudie la médecine et vit à Beyrouth. Il est tombé éperdument amoureux de Mazna, ou du moins de son image sur grand écran. Il ne se sépare jamais de Zacharia, Palestinien vivant avec sa mère dans un camp de réfugiés « en dur », fils de la femme de charge de ses parents, élevé avec lui comme un frère. Avec leur copain Tarek, ils viennent chercher Mazna à Damas les week-ends, deviennent inséparables. Mais Mazna tombe amoureuse de Zacharia, jusqu’au drame de l’assassinat de celui-ci.
Idriss et Mazna émigrent en Californie. Idriss deviendra un bon chirurgien cardiaque, Mazna devra renoncer à sa carrière, habitant pourtant à quelques heures de route d’Hollywood, un petit appartement en plein désert. Illusions déchiquetées.
Toutes ces vies entremêlées, les destins d’exilés des trois enfants du couple : Ava, Marwan et Najla, leurs tiraillements conjugaux mais aussi leur commun attachement à leurs racines explosent à l’occasion d’une décision inattendue : Idriss tient à mettre en vente la maison familiale désormais vide de Beyrouth et requiert leur présence pour organiser une cérémonie en l’honneur de la disparition récente du grand-père. De la Californie à Brooklyn, de Damas à Beyrouth, tous vont se retrouver pour un été particulièrement mouvementé. Les masques et les soupçons vont bientôt tomber.
Secrets, mensonges, vérités entrevues mais maintenues celées, renoncements plus ou moins surmontés, pulsions assouvies ou refoulées … Les ingrédients d’un drame shakespearien à la sauce méditerranéenne sont réunis pour faire ce roman un « page turner » aussi addictif que dépaysant qui nous fait comprendre aussi que, malgré la guerre installée depuis des décennies, les êtres continuent à vivre, à aimer et à s’entredéchirer.
La ville des incendiaires – The Arsonists’City – roman de Hala Alyan, traduit de l’anglais par Aline Pacvon. Editions La Belle Etoile – 439 p., 22,90€