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01 février 2023

Mai-juin 1940 : vers la défaite inéluctable ...

tranchee-1940

Rapport du sergent-chef MENS Jean de la 10° Compagnie du PREMIER REGIMENT DE ZOUAVES. (2)

Episode 2 : Repli "élastique", creuser, marcher, creuser …

Depuis longtemps je vois à la jumelle, sur ma gauche dans les vignes à flanc de côteau, des soldats cheminant vers Ecueil. Je présume que ce sont des Français. A un moment dans un angle mort du remblai de la route, quatre motocyclistes allemands se concertent. Je les vois très bien mais il me faut sortir debout hors de la tranchée. Le temps pour moi de trouver un emplacement favorable pour mon F.M., ils ont disparu.

Tard dans l’après-midi, je mande le zouave Salles, encore une fois volontaire, pour faire la liaison avec la section du Lt. Maison qui se trouve à notre gauche. Il connaît exactement l’emplacement de cette section pour l’avoir vue lors de l’évacuation des blessés. Il revient peu après, n’ayant trouvé personne. Il doit être environ 17 heures.

Deux heures plus tard environ, j’aperçois venant vers nous une cinquantaine d’hommes disséminés dans les champs. Je ne distingue pas très bien les uniformes en raison de la nuit qui tombe, aussi je m’abstiens de faire tirer. Tout à coup, un cri perçant se fait entendre à 600 m. environ en avant de nous dans une haie en contrebas. Je vois alors un groupe de soldats français se mettre à l’abri d’une meule de foin éparpillée et ouvrir le feu avec un F.M. vers la haie. Je voudrais en faire autant mais ces isolés montant vers nous risquent d’être touchés. Peu après, ce groupe, dont un adjudant, passent à proximité de mon emplacement. Ce sont des éléments de la 9ème Compagnie. L’adjudant dit que nous sommes débordés depuis longtemps vers la gauche et qu’il est préférable de nous replier. Je les laisse partir, 20 minutes après environ, donne l’ordre de les suivre. Nous passons à travers champs, nous somme pris sous le feu de 5 à 7 armes automatiques tirant ( ?) du village d’Ecueil.

Nous arrivons à la corne du bois au moment où il commence à faire sombre. Nous traversons une agglomération et je vais me présenter au Capitaine Planson, alors qu’il fait nuit noire, qui m’envoie sur Micheneau où nous arrivons un peu avant le jour. J’y rencontre le Capitaine Hascouët qui est accompagné du Caporal Terraz. Je lui fais part de mes intentions de faire coucher mes hommes dans le bois, estimant qu’il fait trop sombre pour chercher un abri dans les habitations.

Le jour levé, je cherche les officiers de la Compagnie, je ne trouve que le Sergent-chef Shell et le Sergent Parent installant leur section. Je leur demande de faire savoir au Lt. Maison dès qu’ils le verront, que je m’installe à la gauche de la section Marteau, et en contrebas de la batterie de 75 antichar. Il est 9 heures environ. Le bombardement nous trouve dans cette position. Depuis la veille, j’ai perdu pas mal d’hommes, qui fatigués, qui trop pressés …

Dans le milieu de l’après-midi, nous nous joignons au gros du bataillon et à travers bois nous dirigeons vers Ay. Nous traversons la Marne à cet endroit avant la tombée du jour. Nous couchons dans un petit village sur la droite.

Au petit jour, après une marche d’une dizaine de kilomètres, le Lt. Maison me donne des emplacements dans une vigne à la sortie sud d’Epernay. Les tranchées terminées et les plans de feu établis, nous repartons. Le bataillon prend la direction du sud pour aller occuper des positions dans un hameau à une dizaine de kilomètres. A peine les tranchées terminées, nous repartons. Nous marchons toute la nuit et au matin, nous nous trouvons à Boussy le grand.

Nous organisons la défense du village. Vers 16 h., au moment où nous allions rassembler les hommes après un nouvel ordre de repli, une auto mitrailleuse allemande fait feu dans notre direction, d’une distance de 100m. environ et disperse tout le monde.

(à suivre)

(épisode précédent)

Posté par Bigmammy à 08:00 - Journal de bord - Commentaires [5] - Permalien [#]
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Commentaires

  • Ces lettres constituent d'excellents documentaires . Particulièrement intéressantes et vivantes , elles donnent une autre vision de la guerre.

    Posté par Lyllia, 01 février 2023 à 11:42
  • On dit qu'on a tous une force tapie, insoupçonnée en nous ; Dieu merci, car elle a visiblement dû être largement sollicitée. Je me demande bien comment c'est possible, d'ailleurs. Il faut avoir la dose de patriotisme, également.

    Posté par KAT, 01 février 2023 à 13:18
  • C'est un récit très intéressant et très émouvant. Pour moi qui n'ai pas eu la guerre directement dans mon pays je trouve une nouvelle dimension à ce qui m'a été enseigné. Merci de ce partage.

    Posté par Jo, 01 février 2023 à 17:45
  • Merci pour le partage de ce récit en mémoire de votre grand-père.

    Posté par nicole93, 03 février 2023 à 10:56
    • Posté par Bigmammy, 03 février 2023 à 11:05

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