La mode est aux histoires mondiales, et celle-ci s’attache au temps long, ce que j’apprécie depuis ma découverte de l’œuvre de Fernand Braudel … et ici, on s’attaque à un phénomène universel : les impôts.

De l’Egypte des pharaons au mouvement des Gilets jaunes, une histoire millénaire, racontée par grands thèmes économico-philosophiques, de façon claire et fluide, avec une masse d’événements violents ou cocasses, une passionnante analyse des mots et des innombrables mécanismes de taxation mis en œuvre – pas toujours avec succès – par une puissance publique à l’inventivité infinie et parfois bien maladroite.

Au cours du temps, les guerres, les croisades, les rançons, la folie des constructions somptuaires provoquent une insuffisance chronique des revenus du pouvoir central.

De tous temps, partout.  Impôts directs, indirects, la volonté d’échapper à l’impôt est aussi ancienne que l’impôt lui-même et stimule l’imagination des assujettis.

La colère contre le fisc et à travers lui contre l’Etat et les élites dirigeantes remonte elle aussi à l’Antiquité, aggravée par les difficultés économiques.

Car la question fondamentale est celle de la légitimité de l’impôt et de son consentement par les contribuables, via ses représentants élus.

C’est la base du système démocratique, depuis l’octroi de la Magna Carta en 1215 en Angleterre.

L’ouvrage passe en revue les multiples révoltes qui le plus souvent aboutissent à de sanglantes répressions – des Maillottins sous Charles VI à Pierre Poujade en 1956 qui envoie 56 députés à l’Assemblée nationale - sauf à quelques rares processus d’indépendance comme pour les colonies américaines.

Les mille et une formes d’évitement sont aussi très intéressantes … et toujours aussi actuelles quand on pense à la fraude fiscale et au marché des cigarettes de contrebande. Quelle créativité là aussi !

Nécessité du consentement à l’impôt et à sa juste répartition : c’est le sens de la Révolution française. Le processus est récurrent à travers les siècles et civilisations.

Dans une France où aujourd’hui l’impôt sur le revenu représente 23% des recettes et les impôts indirects plus de 52% dont 38% pour la seule TVA, les citoyens réclament toujours plus de protection et de dépenses publiques et « en même temps » toujours moins d’impôts, on mesure à travers cet ouvrage le risque encouru par la puissance publique à initier un nouvel impôt pour faire face au déficit budgétaire.

Un petit bémol pour ma part, la quasi absence d’analyse du concept d’impôt dans le monde islamique.

Histoire mondiale des impôts, de l’Antiquité à nos jours par Eric Anceau et Jean-Luc Bordron, éditions Passés