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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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17 mai 2008

Histoire de Jacqueline et Pierre - Dernière partie

C'est aujourd'hui la journée nationale de quête de la Croix-Rouge Française, et en mémoire de Jacqueline Briot, je vous demande de donner généreusement (vous êtes 81% à habiter en France parmi les lecteurs de ce blog), même si, par malheur, ce n'est pas la belle Adriana qui vous sollicite. La hausse des prix alimentaires pose en effet de graves problèmes d'approvisionnement aux équipes dédiées à secourir les plus démunis, ce que Jacqueline déplorait déjà lorsqu'elle était la présidente départementale de la croix-Rouge de Vendée, et nous, derrière nos ordinateurs, que faisons-nous concrètement ?
Voici donc le troisième volet de l'histoire de Jacqueline et Pierre Briot, auxquels nous pensons souvent. Et tant que les personnes auxquelles nous pensons ou faisons référence dans nos discours sont présents dans notre mémoire, ils sont toujours vivants....


Histoire de Jacqueline et Pierre Briot - dernière partie.

Une ambulance au Palatinat

1944__carte_identit__Croix_RougeAprès le 8 mai, Jacqueline arrive aussi dans le sud ouest de l’Allemagne ; nos deux héros vont-ils se rencontrer ? La Roche-sur-Yon est libérée en aout 1944 : on a plus que jamais besoin de la Croix-Rouge, pour soigner les blessés, accueillir les déportés et les prisonniers, recueillir les réfugiés auxquels tout manque. Pour Jacqueline et sa famille, les derniers mois de guerre ont été très durs, avec son frère Guy parti au maquis de la Vienne – celui qui avait eu l’audace de subtiliser un pistolet allemand en juin 1940.

Jacqueline, qui a acquis de l’expérience et a le sens du commandement, se voit proposer un poste d’infirmière en Allemagne : il s’agit de gérer une ambulance Croix-Rouge dans une gare du Palatinat, où passent prisonniers, déportés et soldats en voie de rapatriement vers  la France.

Appuyée par quelques secouristes, Jacqueline, qui a 25 ans, soigne, réconforte, rhabille, nourrit. Elle aussi rencontre de Lattre : son Etat-major est à quelques kilomètres du Poste Croix-Rouge ; il en passe l’inspection, et, quand il apprend que la petite infirmière est, comme lui, vendéenne, il l’invite à sa table. Jacqueline aura ainsi connu le somptueux ordinaire du Commandant en chef français en Allemagne. Pierre est sans doute passé par ce poste, en tout cas il en a conservé le souvenir, mais ce n’est pas l’origine de leur couple.

Démobilisés et remobilisés

Car leurs chemins vont beaucoup diverger.

Jacqueline est rentrée à La Roche-sur-Yon, et exerce dans la paix le métier d’infirmière qu’elle a appris si rudement dans la guerre. A vrai dire, elle s’ennuie peut-être un peu, et reste célibataire jusqu’à 34 ans. Elle a en effet renoncé à retrouver un jour son fiancé de 1940, aviateur perdu dans le combat de Dunkerque. Un secret dont elle parlera si peu, et jamais à Pierre. Ses loisirs sont surtout consacrés aux équipes secouristes Croix-Rouge, qu’elle forme et encadre.

Pierre est revenu dans l’Oise, démobilisé à tous les sens du terme. Il ne va pas y rester longtemps. Il m’a dit un jour : « Il n’y avait pas de débouchés, alors je suis parti ». Comme toujours, il sait prendre des décisions. Son « évasion », cette fois ci, va le mener en Côte d’Ivoire.

Dans cette colonie, orgueil de ce que l’on appelle alors, sans complexes, l’œuvre civilisatrice de  la France, on construit, des routes, des écoles, des hôpitaux, des ports. Partout, il faut de l’électricité, et Pierre, justement, a appris, sur le tas bien sûr, le métier d’électricien. Il monte à Abidjan une petite entreprise d’installation électrique.

1954__mariage___Saint_LouisPierre, jeune entrepreneur bien dans sa peau, revient en vacances en Métropole tous les étés. Un jour de l’été 54, il participe à un mariage en Vendée, pays qu’il ne connaît pas : il y rencontre Jacqueline, ils se parlent, ils dansent, ils se plaisent, ils se reverront très vite. Il lui demande sa main, et elle dit oui. Il l’emmène donc à Abidjan.

Un jeune couple heureux et efficace

De 1955 à 1967, Pierre et Jacqueline vont être heureux dans une belle villa de Cocody. Pierre a beaucoup de travail ; il a formé des Ivoiriens à ce métier qu’il connait bien, c’est un homme de parole, un ancien de  la France libre - ce qui à l’époque constitue à juste titre une garantie reconnue -. Il électrifie la superbe agglomération d’Abidjan et son Port autonome. Il s’adapte aisément à l’Afrique.

Jacqueline est devenue la gestionnaire de l’entreprise, faisant rentrer les impayés avec la même énergie qu’elle déployait pour organiser les secours. Elle est moins populaire que son mari chez certains clients nonchalants, mais la trésorerie de l’entreprise en est soulagée.

1960____AbidjanComme elle est arrivée avec sa réputation Croix-Rouge, le Comité local lui demande de créer en Côte d’Ivoire une activité secouriste : comme Pierre, elle aussi va montrer son aptitude à travailler en confiance avec les Africains.

A l’été 1958, les nouvelles équipes secouristes ivoiriennes vont, hélas, avoir l’occasion de montrer leur savoir-faire : le Territoire, qui n’est pas encore indépendant, expulse brutalement les Togolais et les Dahoméens d’Abidjan. Quinze mille malheureux, poursuivis dans les rues de la capitale, trouvent refuge dans le port bananier d’Abidjan. La directrice du secourisme contribue à organiser le soutien et les soins. Elle s’appuie sur des cadres secouristes togolais et dahoméens qu’elle a formés à Abidjan.

Retour en Vendée

En 1967, Pierre se voit proposer une activité par un industriel français, spécialiste des groupes électrogènes : il s’agit d’installer des groupes chez les clients. A priori, c’est simple. Mais on installe des groupes pour suppléer à une alimentation électrique défaillante dans les endroits les plus bizarres : le sommet de l’Aigoual, la station radio maritime de St Lys – il est vrai proche de Toulouse -, Bagdad, un coin tranquille à l’époque, ou au fin fond de la République populaire du Congo. Pendant près de 20 ans, Pierre va partir pour deux semaines ou pour trois mois, avec une camionnette pleine d’outils dont il a dressé attentivement la liste – imaginez les conséquences d’une clé de 10 oubliée à 500km de la première quincaillerie…-.Il va découvrir beaucoup de tribus variées et de nouveaux paysages, manger beaucoup de conserves, et aiguiser encore le sens de l’indépendance qui lui faisait passer les frontières en 1943.

Jacqueline retrouve  la Vendée, et bien sûr la Croix-Rouge, dont elle devient la Présidente départementale en 1971 ; c’est ainsi que nous ferons sa connaissance, la relation courtoise entre le directeur du cabinet du Préfet et la Présidentse de la CRF  devenant vite une amitié quasi familiale, qui résistera bien sur au départ normal du sous-préfet et de son épouse vers d’autres cieux.

1986__Chevalier_de_la_Lm_daille_Florence_NightingaleElle recevra, pour son action, les plus hautes distinctions de notre pays et de la Croix-Rouge internationale : la médaille Henri Dunant, puis la médaille Florence Nightingale – une décoration remise à Genève, décernée tout les deux ans à un maximum de cinquante personnalités dans le monde, parfois à titre posthume…..

C’est une présidente créative, qui mobilise les puissants pour la Croix-Rouge, et se fait aimer de la base. C’est ainsi que la confiance des militants de la Croix-Rouge la porte au Conseil national dont elle devient Administrateur. A Paris, elle est écoutée, et on sait utiliser ses compétences, notamment en Afrique : elle est chargée de développer des relations étroites entre les CR d’Afrique de l’Ouest, celle du Benin notamment, et la CRF.

Pierre sur les routes et dans les avions, Jacqueline à Paris, à Genève ou à Cotonou, c’était l’idéal.

1990__avec_les_Mens

Mais la retraite sera pour eux deux un moment plus difficile. Nous avons essayé de leur faire oublier les petites et grandes misères de cette période, et nous y avons parfois réussi. Chaque année, ils venaient passer les premiers jours de mai au Calfour, aimant nos enfants comme les enfants et donc les petits enfants qu’ils n’avaient pas eus, laissant des souvenirs, des expressions verbales, des témoignages très vivaces. Ainsi, nos filles ont eu le rare privilège d’avoir connu trois couples de grands-parents.

 

Aujourd’hui, ils nous manquent, mais ceci est une autre histoire.

 

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