Etreintes brisées - film de Pedro Almodovar
Ce qui est merveilleux, avec Pedro Almodovar, c’est de se
trouver immédiatement plongé dans son univers et ses phantasmes, dès la
première image, je dirai même dès le titre du film…Etreintes brisées ne fait pas exception à la règle : une
atroce histoire d’amour, de violence faite aux femmes, de création saccagée, de
vies brisées… De pardon et d’oubli, aussi, question éminemment espagnole.
Le tourbillon qui nous emporte ne cesse pas, bien que les
ressorts de ce mélodrame ne recèlent aucune surprise. Là n’est pas le propos.
Selon un argument classique, le scénario traite d’une histoire de
tournage : le film dans le film….exercice connu. On retrouve ici, avec
délectation, tous les thèmes récurrents d’Almodovar : sa tendresse inouïe
pour les femmes, l’homosexualité, la drogue, l’hôpital et le handicap, les
différences sociales, la discrète satire politique…et bien évidemment, les
couleurs indescriptibles de ses décors baroques : rouge sang, bleu
Nattier, le noir des paysages de Lanzarote…pour nous une furieuse envie d’aller
à Gran Canaria…
L’enchantement, c’est Penelope Cruz, plus belle et plus
juste que jamais. Même affublée d’une perruque blonde – en cheveux
synthétiques, comme le précise le coiffeur de la production – elle
« déchire » l’écran, en victime née, en fausse Audrey Hepburn mâtinée
de Carmen vivant consciemment son destin tragique jusqu’au bout.
Le personnage central est le scénariste aveugle, incarné
par Lluis Homar. Beau, droit, passionné, prônant le pardon des offenses, alter
ego du réalisateur (voir son interview dans Le
Monde du 21 mai). Son opposé est le vieux financier jaloux (José Luis
Gomez), abusant de la faiblesse de sa jolie secrétaire en toute impunité. Et,
en déesse tutélaire, jalouse, captative et souffrant en silence, Blanca
Portillo (Judit) et son fils Diego – superbe Tamar Novas….
Bref, encore un moment de pur bonheur avec Pedro…..