19 juin 2018
En couleurs, la sculpture polychrome au musée d'Orsay
J’avais déjà été séduite, lors de la magistrale exposition consacrée au Second empire, par le réalisme de certaines oeuvres comme cette Corinthe, cette belle femme parée de bijoux, nue, assise (ici en bas à droite), modelée par Jean-Léon Gérôme, un des maîtres du genre.
Je l’ai naturellement retrouvée dans cette présentation étonnante qui met en valeur une période de la sculpture française particulièrement originale …
Car pour les maîtres classiques du milieu du XIXème siècle, il n’est de sculpture que blanche – pour la beauté du marbre – ou de la couleur uniforme de la patine pour les bronzes. La sculpture polychrome est alors considérée comme une menace esthétique sérieuse qui amènerait à « la fin de l’art ».
La crainte qu’une porosité entre l’art considéré comme populaire et celui exposé au Salon génère un réalisme illusionniste "facile" provoque de vifs débats. Jusque vers les années 1880, la polychromie appliquée à la sculpture est donc très mal vue, jusqu’aux découvertes archéologiques de la sculpture antique qui vont en faire voir aux commentateurs de toutes les couleurs.
Remarquer en effet la grande aquarelle représentant en coupe le Parthénon "restauré" par Charles Garnier, toute en couleurs ... et se souvenir des merveilleuses terres vernissées des frères Della Robia au 15ème siècle, qui ornent Florence ...
Il y a les pionniers comme Charles Cordier qui utilise les ressources des carrières de marbre-onyx d’Algérie, Henri Cros, Jean-Léon Gérôme, Jean Carriès, Gauguin, Louis-Ernest Barrias, Jean-Désiré Ringel d’Illzach …
Avec le Second Empire et la croissance économique viendra le triomphe des arts décoratifs, l’utilisation d’une grande diversité de matériaux comme la cire peinte, les marbres de couleurs, les pierres dures, le bronze, la pâte de verre, la céramique et la porcelaine, le grès émaillé qui va orner de plus en plus de façades …
A détailler, la sculpture grandeur nature de "La Nature se dévoilant à la Science" avec sa robe drapée de marbre rouge, son bijou de poitrine en malachite ... La statue fut commandée en 1885 à Ernets Barrias pour orner l'escalier d'honneur du Conservatoires des Arts et Métiers.
Le succès de la polychromie s’affirme sous l’influence du Symbolisme et de l’Art Nouveau avec l'utilisaton intensive du grès émaillé pour les façades et pour la reproduction d'oeuvres d'art.
L'architecture et l'industrie s'en emparent. La manufacture de Sarreguemines et la grande tuilerie d'Ivry d'Emile Muller seront très actives en ce domaine.
Le scandale viendra pourtant - on se demande aujourd'hui bien pourquoi - avec la sculpture jugée par trop réaliste de la petite danseuse de 14 ans de Degas, avec son tutu en tarlatane et ses cheveux en crin … sans compter la poupée érotique d’Hans Bellmer (1931) qui clôture cette exposition.
En couleurs, la sculpture polychrome en France (1860 – 1910) exposition au Musée d’Orsay (niveau 2 – salles 67,68 et 69) clôturée le 9 septembre, fermé le lundi.
attention grève !
Juste comme je poste ce billet ce matin - nous avons visité l'exposition le jour de son ouverture - un préavis de grève est déposé au musée d'Orsay ... renseignez-vous avant de vous y pointer !