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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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14 janvier 2020

Madame Steinheil ou la connaissance du Président

Meg par Leon Bonnat

J’hésite entre deux tentations : écrire la critique de cette biographie brossée par Armand Lanoux en 1983, ou simplement raconter le destin hors norme d’une femme sublime mais légère, fantasque, libre et ensorceleuse, dont le procès aux assises défraya la chronique internationale en 1909.

Marguerite Japy (1869 – 1954) est issue d'une famille d’industriels protestants spécialisée dans la mécanique (les machines à écrire, entre autres). A l’âge où l’on songe à la marier, la famille ne peut la doter aussi généreusement que sa soeur ainée. Son père refusant une union avec un jeune officier sans fortune, elle épouse le peintre Adolphe Steinheil, plus âgé de 20 ans mais qui ne discute pas la dot. Adolphe est un artiste académique, connu pour ses portraits mondains et les scènes de genre dans les tons de brun, neveu de Meissonier, il peine à vendre ses toiles.

Marguerite est une jolie femme (ici, en bleu, portraiturée par Léon Bonnat) qui a reçu une très bonne éducation : elle parle anglais, joue du piano, chante à ravir. Mais elle est dépensière. Elle aura une fille – Marthe – mais très vite le couple ne fonctionne plus, même s’ils refusent de divorcer et cohabitent.

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Meg

Marguerite

Marguerite Steinheil plaît beaucoup. Elle tient salon littéraire et républicain, dreyfusard et politique. Elle collectionne de nombreux amants, qui contribuent aux dépenses du ménage, elle promeut les tableaux de son mari, lui fait obtenir des commandes publiques …

En particulier, elle devient la maîtresse quasi officielle du Président de la République Félix Faure. C’est en sa compagnie que celui-ci, un soir de 1899 à l’Elysée, fait une attaque mortelle, sans doute après avoir abusé des aphrodisiaques. On exfiltre prestement la jeune femme … qui sera qualifiée de 'Pompadour provinciale et bourgeoise d’une jeune Troisième République qui cherche ses aristocrates" et autres sobriquets graveleux.

Madame Steinheil reprend bientôt ses activités de salonnière. Son mari ferme les yeux d’autant plus qu’une rumeur prétend qu’il préfère la compagnie de ses modèles masculins …

En mai 1909, on retrouve à leur domicile de l’impasse Roncin les cadavres d’Adolphe et de la mère de Marguerite, et la belle Meg ligotée à son lit de cuivre. Elle prétend avoir vu quatre personnes affublées de lévites et de perruques rousses, qui auraient dérobé une importante somme d’argent et des documents à elle confiés jadis par le président.

 

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Elle s’emmêle dans ses déclarations, lance des accusations absurdes, s’enferre dans ses mensonges … En tant que seule survivante de cette tuerie, elle est bientôt accusée de meurtre et de parricide, est emprisonnée à Saint-Lazare pendant une année avant un procès retentissant. Faute de preuves, elle est néanmoins acquittée sans que jamais le mystère de ce double meurtre n’ai été élucidé.

Dans son livre, Armand Lanoux cependant fait état des hypothèses du célèbre expert Edmond Locard, fondateur de la police scientifique, qui évoque dans les dernières années de sa vie ce qui s’apparente à un secret d’Etat. La belle Meg n'a jamais "mangé le morceau".

Mais la carrière de Marguerite Steinheil ne s’arrête pas à ce procès. Elle se réfugie en Grande Bretagne où elle épouse en 1917 le baron Lord Robert Brooke Campbell Scarlett et devient Lady Abinger. Devenue à nouveau veuve en 1927, elle meurt à 85 ans, toujours aussi belle dit-on, dans le Sussex.

Le livre d’Armand Lanoux, plein de verve et de portraits acérés des protagonistes de l’affaire, nous entraîne dans l’ambiance folle de cette Belle Epoque, avec les « Grandes Horizontales » comme la comtesse de Loynes, les tourbillons de l’Affaire Dreyfus, l’antisémitisme virulent mâtiné d’anti protestantisme, le rôle de la Presse à grande diffusion, la violence des publications illustrées …

C’est pétillant, plein de références littéraires et politiques … Quel destin !

N.B. : c'est un commentaire de lectrice sur ma récente lecture de "La vérité sur la comtesse Berdaiev" qui m'a donné l'idée de retrouver cette biographie.

 

Madame Steinheil ou la connaissance du Président (1983) biographie par Armand Lanoux, de l’Académie Goncourt, édité chez Grasset, 324 p.

 

Commentaires
S
Et quelle santé !
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M
C'est si vrai que lorsque le président Félix Faure a fait son hémorragie cérébrale, la belle Meg était dévêtue, elle s'est rhabillée dans la hâte en oubliant son corset - de couleur mauve, soutaché de dentelle noire dit-on - on l'a mise dans une voiture de la présidence et personne n'a revu le fameux corset !
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C
Bonjour, voilà une biographie aussi alléchante qu' intrigante et, en examinant les photos de Marguerite, un détail m'interroge une fois de plus : comment les femmes de cette époque pouvaient -elles afficher ,et supporter, une taille aussi fine? Quelqu' un a-t-il la réponse ?
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