Je continue ma série sur l’histoire de la Russie à travers son cinéma. Alexandre Newski est le septième long métrage de Sergeï Eisenstein. Une commande de Staline en 1938. 

Il retrace la bataille des Russes contre les Chevaliers Teutoniques qui viennent d’absorber les Porte-Glaive et sont en passe de conquérir la partie nord de la Russie afin de la convertir au catholicisme. Ils viennent de prendre Pskov et vont s’attaquer à Novgorod, la plus ancienne cité russe.

Novgorod est une riche cité commerciale érigée en république autonome, membre de la ligue hanséatique. Elle est menacée par les Suédois, les chevaliers Teutoniques et les Porte-Glaive, les Lituaniens et les Norvégiens.

L’épisode du film est celui de la célèbre bataille du lac Peïpous en avril 1242.

Les dirigeants de Novgorod font appel au prince Alexandre Newski, auréolé de sa victoire contre les Suédois en 1240. La Russie est menacée sur deux fronts : les Tatars au sud et les Allemands au nord. Alexandre pense que le danger le plus imminent vient du nord …

Il exhorte les dirigeants de la ville à donner tout ce qu’ils possèdent pour équiper une armée formée non seulement de guerriers professionnels mais aussi de paysans. Une levée en masse pour résister à l’envahisseur. Les moujiks seront armés de longues piques munies d’un crochet pour désarçonner les puissants chevaliers teutoniques.

Le message de ce film de propagande est martelé dans les dernières images, au cas où le public n’aurait pas compris : « Celui qui vient le glaive à la main périra par le glaive, telle est la loi de la Russie ».

Le film sort en décembre 1938. Son tournage a été surveillé par les instances du Parti. Tous les acteurs en sont membres. Nicolaï Tcherkassov, le rôle-titre, a été imposé par Staline, qui l’imposera à nouveau dans « Ivan le Terrible » en 1942.

Les allusions sont transparentes : sur les boucliers teutons figure l’aigle allemand, les casques des fantassins ressemblent étrangement aux casques allemands de la grande guerre.

Après la signature du pacte germano-soviétique cependant, le film est retiré des salles. Il sera à nouveau diffusé en 1941 après le début de l’opération Barbarossa.

La propagande n’exclut pas que ce film soit une œuvre magistrale. La qualité du scénario est excellente, avec une intrigue amoureuse qui tient en haleine et met en valeur le potentiel guerrier des femmes, des rôles secondaires attachants, des scènes de batailles inoubliables. Il y avait au moins 60 ans que je n’avais pas vu ce film … l’émotion est toujours présente, et j’en ai une nouvelle lecture plus politique … Eisenstein est un maitre du cinéma.