Un billet pour un jour de commémoration de la fin d'une guerre toujours recommencée ...

Les conflits sanglants qui secouent la planète depuis quelques mois conduisent les intellectuels à réflechir sur les grandes tendances de l'évolution du monde.

A la charnière entre l'Orient et l'Occident, Amin Maalouf, romancier avant tout mais aujourd'hui historien et philosophe, met son talent de conteur au service d'une histoire - elle aussi mondiale - de l'antagonisme séculaire entre l'Est et l'Ouest.

Autrefois entre impérialisme et peuples colonisés, capitalisme et communisme, aujourd'hui entre la Chine et les Etats-Unis.

Et j'avoue qu'après avoir ressenti une impression de "déjà lu", j'ai été rapidement emportée par sa présentation de l'histoire de notre monde.

Car l'ébranlement de la suprématie occidentale commence avec la défaite de la marine russe de Tsushima en 1905 ...

Pour moi, l'origine de ma fascination pour la civilisation nippone, le sujet de mon épreuve d'histoire à l'examen d'entrée à Sciences Po : la première victoire d'un peuple non-blanc sur un empire européen gigantesque - mais aux pieds d'argile.

Le premier événement qui a permis aux orientaux de revever la tête et de retrouver leur dignité bafouée ... Pour eux toutefois, un rêve, une illusion, une espérance rapidement déçue puisque le Japon, emporté lui aussi par l'hubris, de potentiel libérateur est devenu, à son tour, colonisateur.

La victoire du Japon sur l'empire de Nicolas II eut un impact sur tout l'Orient (en Perse en 1905 - 1909 par exemple), et sur le réveil du monde musulman de l'empire ottoman avec la révolution des Jeunes Turcs. Cette révolte des peuples asservis, d'abord comprise comme affrontement blancs/non-blancs, devient après 1917 la lutte entre collectivisme et capitalisme, avec des relents de guerre sainte des croyants contre les athées.

Après 1945, les Etats-Unis pratiquent le "containment" vis à vis de l'URSS et de ses nombreux satellites et aident massivement tous les gouvernements et mouvements qui s'y opposent (avec le plan Marshall et l'OTAN). Ils n'hésitent pas à soutenir les islamistes en Afghanistan. Mais lorsqu'ils cessent ces aides, ils sont considérés comme des traitres à leur cause.

Amin Maalouf ne cache pas son admiration pour le dynamisme des Etats-Unis, l'audace, le pragmatisme et l'exaltation de l'esprit d'initiative. Mais il nous conte aussi l'histoire de la Chine contemporaine qui représente désormais le principal défi à l'hégémonie de l'Occident.

Malgré ma lecture assidue de l'histoire du XXème siècle, cet ouvrage, magistralement écrit et d'une compréhension particulièrement facile, m'a appris beaucoup de choses. Mon souhait serait de le faire lire à tous les adolescents qui s'intéressent à la geopolitique contemporaine pour les aider à comprendre le monde fou dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Le labyrinthe des égarés, essai d'Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l'Académie française, édité chez Grasset, 446 p., 23€