J’ai grande émotion à évoquer la mémoire de Jacques Delors, décédé hier à l’âge de 98 ans … Existe-t-il un Panthéon à l’échelle européenne pour accueillir sa dépouille ? A hauteur de ses talents et de sa discrétion. Je ne le pense pas …

Je crains aussi que son nom n’évoque pas grand-chose à la jeune génération et pourtant, nous lui devons tant !

C’était un honnête homme, au sens que l’on donnait jadis aux hommes de bien au temps des Lumières. Un modèle pour nombre de mes contemporains (minoritaires, mais assumés) qui se sentaient à la fois de gauche et de droite, un chrétien sincère qui fut le ferment de l’Union européenne d’aujourd’hui, père du marché unique et de l’Euro. Nous lui sommes tous redevables de notre cadre de vie d'aujourd’hui.

D’abord collaborateur de Jacques Chaban-Delmas, syndicaliste à la CFTC puis à la CFDT, catholique fervent, puis adhérent au Parti socialiste, ministre de l’Economie et des finances de Pierre Mauroy puis Président de la Commission européenne de 1985 à 1995, il stupéfiât le monde médiatico-politique lorsque, alors en tête des sondages, il refusa de se porter candidat à l’élection présidentielle de 1995.

Et, à ce titre, j’en suis restée un peu frustrée. Car j’aurais voté pour lui avec enthousiasme. Pour refuser, il allégua son âge – 70 ans – la difficulté vraisemblable à réunir une majorité, les dissensions internes à la Gauche  - un visionnaire en fait !

La suite fut, avec le recul, un désastre politique et les impasses dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui sont sans doute en grande partie issues de sa décision de retrait … Toute notre vie politique actuelle en aurait été vraisemblablement changée.

C’était un homme de bien, comme on en rencontre rarement dans le paysage français. Sa discrétion postérieure nous l’a rendu encore plus sympathique. On l’avait un peu oublié … pensant sans doute qu’il était devenu immortel … Quelle erreur !

Gloire donc à Jacques Delors et toutes mes pensées vont aujourd'hui à sa fille Martine Aubry, et pourtant Dieu sait que je ne partage pas ses idées. Mais son chagrin doit être immense, et je le respecte.