Il Divo, un film de Paolo Sorrentino
Il faut se presser dans les quelques salles qui présentent
encore « Il Divo », car c’est un grand film. Paolo Sorrentino a conçu
une fresque baroque et sinistre, magnifiquement filmée : que l’on pense à
la bacchanale chez le Ministre du Budget, qui renvoie à la Rome des Antiques ou
des Borgia, aux séances du Parlement, à l’impudence tranquille des
« repentis » de la Mafia, à la déclaration d’amour dans un cimetière...
Ses acteurs sont formidables, d’abord Toni Servillo (ici à gauche, le vrai Andréotti en bas à roite) dans le
rôle titre – c’est aussi un grand acteur et metteur en scène de théâtre - et
aux deux femmes qui entourent Andreotti de leur amour, Anna Bonaiuto et Piera
degli Esposti.
L’humour le plus noir (en Autriche voisine, c’est la couleur de
la Démocratie chrétienne) enchantera ceux que la politique centriste et
l’Italie passionnent.
Loin d’être un portrait-charge, comme l’auraient fait les
Français[1], ce
film est honnête : quand Sorrentino ne sait pas, il n’invente pas et ne
calomnie pas.
Mieux, il nous offre une clé d’interprétation du
pouvoir : le président du Conseil avoue combien il faut, en
politique, faire le mal pour rechercher
le bien commun – objectif central de la Doctrine sociale de l’Eglise, donc de
la Démocratie chrétienne.
De tout cela, les Italiens sont sortis, pour créer, en apparence, une démocratie alternante droite-gauche moderne, mais qu’ont-ils gagné à l’impuissance du centre gauche incapable de ne pas se déchirer, et à l’inquiétante bouffonnerie semi-fasciste du Cavaliere ?
[1] Le sommet de la malhonnêteté ayant été atteint par un vieux film de Chéreau, Judith Therpauve, où l’on voit un préfet donner tranquillement l’instruction de supprimer physiquement une patronne de presse qui dérange