Autant j’ai pu être critique autrefois sur l’angle choisi pour certaines expositions temporaires, autant là, je dis : bravo.

Ici, tout est nouveau, inédit, ces œuvres sont pure découverte, particulièrement bien mises en valeur et, ce qui ne gâche rien, les visiteurs sont relativement rares et on peut admirer à loisir les objets exposés.

Le Louvre Abu Dhabi, qui ouvrira ses portes en décembre 2015, sera le premier musée universel créé au Moyen-Orient, dans une région au carrefour des civilisations.

Sa collection se constitue progressivement d’oeuvres anciennes et contemporaines, provenant de différents pays.

Elle sera complétée de prêts à long terme, selon une technique bien huilée propre à la marque « Musée du Louvre », une façon tout à fait efficace d’assurer le rayonnement de notre pays.

La présentation à Paris d’une partie des collections destinées à garnir l’extraordinaire bâtiment conçu par Jean Nouvel pour la capitale des émirats arabes unis offre une magnifique promenade dont le fil rouge est le génie de l’homme, à travers les espaces et le temps. Nous n’aurons pas la possibilité d’aller sur place – dommage car la maquette de l’édifice est bien alléchante - alors il faut profiter pleinement de cette opportunité.

Parmi les pièces exposées se trouvent un bracelet en or aux figures de lions fabriqué en Iran il y a près de 3 000 ans, une fibule d’or et de grenats d’Italie datant du Ve siècle après J.-C., de merveilleuses miniatures persanes ou du Rajasthan, des tableaux de Jordaens, Manet, Magritte, Klein ... un papier-collé inédit de Picasso et neuf toiles du peintre américain Cy Twombly, récemment disparu.

Le propos est clair : dans ce pays neuf situé au carrefour des civilisations et des routes commerciales depuis la plus haute antiquité, montrer comment les correspondances, les influences, les convergences artistiques enrichissent le regard. Certaines pièces sont particulièrement étonnantes comme une aiguière aux motifs rappelant les cultures d’Asie centrale qui provient en fait du nord de l’Allemagne …

J’ai beaucoup aimé la belle princesse de Bactriane, la somptueuse boîte octogonale incrustée de nacre de l’époque Tang, les sculptures de la Renaissance – exposer un Christ ou une vierge à l’enfant est une audace en pays d’Islam - j’ai apprécié de découvrir à hauteur d’œil humain quatre chapiteaux romans de l’église de Bimont dans le Lot-et-Garonne … peut-être en référence à l’architecte Jean Nouvel natif de Fumel ?, le joli tableau représentant un jeune émir étudiant, ou la partie de bésigue de Gustave Caillebotte.

Le visiteur des Emirats – qui souvent est un immigré venant de toute la sphère africano-européo- asiatique - pourra comprendre comment l’art est venu aux hommes depuis la nuit des temps, en symbiose avec une foi religieuse ardente et aussi en toute indépendance ou interdépendance, subissant ou s’enrichissant réciproquement des influences, des styles, des idées véhiculés de l’extrême-orient à l’occident européen.

Le choc culturel risque d’être rude. Avec la rapidité et la facilité de circulation des idées, des techniques, des capitaux et des images, la continuité de la création artistique est une donnée plus que jamais incontournable. Les intégristes de tout bord auront sans doute du mal à l’accepter.

Louvre Abou Dhabi. Naissance d’un musée, exposition au musée du Louvre Paris, jusqu’au 28 juillet, tous les jours sauf le mardi.