Edmé Bouchardon, une idée du beau au musée du Louvre
J’avoue humblement porter moins d’intérêt à la sculpture qu’à la peinture … Mais là, je suis restée bouche bée.
Edmé Bouchardon (1698 – 1762) domine son siècle autant par son talent de sculpteur que par son époustouflante maîtrise du dessin.
Car avant de tailler dans le marbre, l’artiste tourne autour de son modèle et en dessine les formes sous tous les angles, comme ferait un cinéaste à la manière de Claude Lelouch. Son trait est d’une sûreté extrême – d’autant plus que la sanguine est une technique qui n’autorise pas les repentis car elle est très difficile à gommer.
Les portraits d’enfants sont absolument merveilleux de vie, mais aussi ses séries de gravures illustrant les cris de Paris ou les métiers ambulants …
Bouchardon est né dans une famille de sculpteurs et son père l’initie rapidement à son art. Il monte à Paris et travaille dans l’atelier de Guillaume Coustou. Grand Prix de Rome en 1722 et pensionné du roi, il passe 9 longues années en Italie à étudier l’antique ainsi que les maîtres de la Renaissance – Raphaël, Le Bernin … - et à réaliser de fructueuses commandes comme le sévère buste du pape Clément XII Corsini, le portrait en empereur romain du baron Philipp von Stosch (une vraie tête de Germain auquel il ne manque que la tunique de l’armée allemande), ou celui, d’une beauté éclatante, de Charles de la Tour du Pin (acquis en 2012 par le musée du Louvre).
Revenu à Paris en 1732, il devient le sculpteur officiel du roi Louis XV, a son atelier et son logement au Louvre. Attentif à la diffusion de ses œuvres grâce au livre et à la gravure, il travaille avec Pierre-Jean Mariette et Caylus, collectionneurs, éditeurs et graveurs.
On imagine mal le temps nécessaire à la maturation d’une œuvre comme « L’amour se faisant un arc de la massue d’Hercule » qui demanda 11 ans de réalisation (1750) ou la dernière commande qu’il reçut de la statue équestre de Louis XV, destinée à orner la place de la Concorde, sur laquelle il travailla de 1748 à sa mort… mais dont il ne subsiste que des réductions, le bronze original ayant été fondu lors de la Révolution.
Subsistent les croquis anatomiques du cheval et d’un modèle de cavalier nu dont les mesures sont reportées au crayon graphite et aussi les esquisses des cariatides du piédestal, très originales, dont certaines font penser à Ingres.
L’exposition, première du genre sur cet artiste, présente 270 œuvres dont 200 dessins en provenance du fonds de l‘atelier légué au musée en 1808 par son neveu.
A présent, je saurai admirer à leur juste prix les sculptures de la fontaine de la rue de Grenelle devant laquelle je suis passée en voiture pendant plus de 20 ans chaque jour sans vraiment la regarder, et j’irai spécialement entendre la messe à Saint Sulpice, pour voir in situ les grandes figures des apôtres et du Christ avec sa croix qui entourent le chœur.
Entre hommage à l’antiquité et respect de la nature, Bouchardon le surdoué s’avère l’un des génies novateurs du XVIIIème siècle, fleuron du néoclassicisme.
A Paris, il n’a eu droit qu’à une rue du 10ème arrondissement anciennement nommée impasse de la Pompe et n’a donc pas aujoud'hui la notoriété de Pigalle, l’un de ses successeurs. Dommage !
Edmé Bouchardon, une idée du beau au musée du Louvre - en collaboration avec le Paul Getty muséum de Los Angeles, jusqu'au 5 décembre, hall Napoléon, tous les jours sauf le mardi.