Ce sont les derniers jours de cette très belle exposition … et nous avons bien failli la rater, ce qui aurait été dommage.

Surtout que dans une autre vie, en 1970, j’ai travaillé pendant un trimestre auprès d’un ami antiquaire spécialisé dans les objets asiatiques. J’y ai contracté le virus de la civilisation chinoise, des porcelaines « famille rose » et « famille verte », des meubles en laque de Coromandel, des netsukés d’ivoire japonais et des pierres dures : serpentine, agate, cristal de roche, turquoise, lapis-lazuli, et surtout, la pierre par excellence : le jade.

Image de la bonté selon Confucius, expression majeure de la civilisation chinoise, symbole de fermeté – c’est une pierre qui ne clive pas – de tranquillité, réserve, pureté, vertu. Le jade est utilisé depuis les temps néolithiques – y compris en Europe où il sert à fabriquer des armes. On a découvert des objets en jade sculptés dans des tombeaux : les fameux disques pi qui évoquent le ciel, des tablettes gravées, des ornements en forme d’animaux fantastiques, des coupes …

En Chine, le jade, apanage des empereurs et des princes, est plus apprécié que l’or. Une peinture montre les grands personnages portant chacun une tablette de jade, symbole de pouvoir délégué par l’empereur. Les princes recevaient en effet ces tablettes et devaient une fois l’an la lui rapporter au cours d’une cérémonie. Si l’empereur ne rendait pas la tablette, le prince ou le mandarin était démis de ses pouvoirs.

Les empereurs comme Qianlong ne se séparent pas de leurs objets de jade préférés : par exemple, cet écran de couleur rousse (le jade n’est pas seulement vert, mais aussi rose, blanc, brun et même noir), la tablette de Longshan (entre 2300 et 1800 avant J.C.), qu’il a fait graver de poèmes en lettres d’or.

Les Khans de Samarcande, les Shahs de Perse raffolent du jade, même si principalement, ce sont les lettrés qui le collectionnent pour leur matériel de calligraphie (pots à pinceaux, encriers, coupelles, écrans de table …). En Europe, les objets de jade entrent dans les collections royales et privées à partir du XVIIème siècle – la fameuse coupe de Mazarin – et surtout après le sac du Plais d’été en octobre 1860. L’impératrice Eugénie s’est constitué un musée chinois au château de Fontainebleau.

Plus près de nous, les grandes maisons de joaillerie comme Cartier mettent en valeur les plus belles pièces de jade en les sertissant dans l’or et les agrémentant de diamants. On peut admirer ici de superbes pendules « mystérieuses », des colliers, des broches …

Plus de 300 objets sont exposés, des plus anciens aux plus actuels, sans que l’on sache toujours de quelle époque ils émanent : l’archaïsme des formes est revendiqué au plus haut niveau, comme toujours en Chine, on reproduit les décors, quitte à imiter les traces d’enfouissement. Et les plus belles pièces sont taillées en tirant parti des différences de teintes de la pierre.

On en oublie la difficulté de sculpter dans ce matériau ultra-dur, si finement aminci qu’il devient transparent, si doux qu’on ne se lasse pas de le caresser …

Un bonheur silencieux, sensuel, apaisant … Vite, je vais ressortir de ma cassette mon disque de jade blanc jadis acheté à Pekin …

L'objet le plus étonnant : le grand rosaire de l'impéatrice, confectionné à partir de plusieurs colliers de mandarins ...

Jade, des empereurs à l’Art Déco, exposition au Musée national des arts asiatiques - Guimet – place d’Iena -  jusqu’au 16 janvier, tous les jours sauf le mardi - à partir de 10h. 9,50€