13 février 2017
Neruda, film chilien de Pablo Larrain
Encore un biopic de Pablo Lorrain (Jackie) … qui choisit ici de raconter la traque menée par le président chilien Videla contre le diplomate, sénateur, écrivain et poète communiste Ricardo Reyes – nom de plume : Pablo Neruda.
Nous sommes en 1948, en pleine guerre froide. Pablo Neruda est déjà une gloire nationale – il obtiendra le prix Nobel de Littérature en 1971. Lorsqu’il était ambassadeur à Madrid, il a côtoyé Federico Garcia Lorca, il fréquente Picasso. Lorsque le parti communiste chilien est interdit, l’homme politique est menacé d'arrestation et d'internement dans un camp pour opposants communistes, comme l'un de ceux dirigés par le jeune capitaine Augusto Pinochet.
Il doit fuir, passant avec son épouse, artiste peintre (Mercedes Moran) de planque en planque. Mais il ne sait rester enfermé. Il va jouer avec son poursuivant, l’inspecteur Oscar Peluchonneau, un jeu de piste cruel en lui laissant çà et là, de petits cailloux : en fait des romans policiers dédicacés.
C’est à la fois le syndrome de Stockholm à l’envers – car la poursuite de Neruda devient obsessionnelle pour le jeune policier – et la répétition de la traque de Javert. Cette poursuite devient en elle-même un roman et traitée par le réalisateur comme telle : des décors sordidement sublimes, une ambiance à la manière des bas-fonds de Los Angeles, une photographie utilisant sans cesse la surexposition … Le rôle-titre – la ressemblance de Luis Gnecco avec le poète Neruda est troublante – est campé sans aucune complaisance : parties fines, séances de beuveries dans les bordels de Santiago, humour dévastateur mais veine poétique irrésistible.
Le personnage principal n’est pas là : c’est le jeune policier, incarné par Gael Garcia Bernal, sublime ! Obsédé par sa quête, certes, mais aussi par ses origines incertaines. Il se voit en fils naturel du créateur de la police chilienne – dont il porte le même nom – mais se sait issu d’une mère prostituée. L'arrestation de Neruda est pour lui l’inaccessible apogée de sa carrière. D'autant plus qu'on se demande si, en réalité, la capture du fugitif est tellement souhaitée par le pouvoir ...
Pablo Neruda réussira à traverser la cordillère des Andes et à se réfugier en Europe, en particulier à Paris, pour y parfaire son œuvre littéraire. Il regrettera sans doute le sort réservé à son poursuivant.
C’est un film émouvant, un peu long à démarrer mais construit comme un polar des années 50 … La musique (Federico Jusid) est magnifique. Encore un beau morceau du réalisateur chilien (40 ans).