Je continue ma lecture systématique de l’œuvre d’Hervé Le Corre.

Ce polar hyper noir date de 2009. Le décor est une nouvelle fois la région de Bordeaux, de nos jours, avec la ville, un peu, l’estuaire, beaucoup, le Médoc et ses rangées de vignes, un été torride et poisseux.

Plus que les morts - deux jeunes femmes vivant d’expédients avec un enfant, un jeune baraqué qui a le tort de croiser un vrai psychopathe, un gendarme investigateur à la retraite, plus tard d’autres cadavres - ce sont les parents de ces morts qui sont les victimes, ceux qui restent, le cœur irrémédiablement déchiqueté.

Il y a Victor, ado très malin, qui retrouve sa mère battue à mort et se couche contre son cadavre puis ne lâche pas l’urne contenant ses cendres, il y a Pierre Vilar, le flic dont le petit garçon de 10 ans a été enlevé à la sortie de l’école et dont on n’a rien retrouvé …

C’est le roman d’une enfance assassinée, meurtrie, qui voit tout, violée par des parents alcooliques et violents, ballotés de famille d’accueil en foyers, des flics au bord de la crise de nerf qui se prennent des coups jusqu’à l’écœurement.

On se demande comment ils tiennent, comment ils font pour ne pas céder à la violence. Pas toujours, d’ailleurs.

Et puis, surtout, il y a le style.

La manière de décrire les beautés de cette région où l’estuaire rythme le flux et le reflux, la chaleur écrasante, les grappes qui commencent à mûrir, les châteaux qui ponctuent de leur blancheur de tuffeau les marées de vignes.

L’auteur se glisse dans l’âme de son jeune héros si malmené, si seul… Jusqu’à ce qu’il rencontre une famille aimante, Nicole et Denis … la générosité à l’état pur. Une lueur d’espoir pour ce gamin doué d’un talent d’observation évident.

Encore un polar terriblement noir, dans la même veine que « Prendre les loups pour des chiens », qui a reçu de nombreux prix qu’il mérite amplement.

Les cœurs déchiquetés, polar de Hervé Le Corre, Collection Rivages/noir, 472 p., 9€